Dérouter

Oh mais

Dire à quelqu’un que ce qu’il peint est super alors que lui même n’en est pas convaincu c’est entrer en conflit avec l’intégrité de cette personne.

En revanche dire à quelqu’un que ce qu’il peint t’inspire l’envie de manger du chocolat et ce faisant tu prends un petit carré et tu l’avales avec une petite lueur taquine dans l’œil , c’est bien plus élégant.

C’est la méthode qu’utilisait Milton Erickson dans ses entretiens avec ses patients. Il utilisait des phrases ou des actes  de depotentialisation afin d’interférer avec le schéma  mental de son interlocuteur. Georges Marchais était un as dans son genre aussi pour dérouter Elkabbach lors de ses interviews explosives.

Dans ce processus on joue avec le conscient et l’inconscient en même temps.

L’astuce du carré du chocolat est un exemple parmi d’autres.. l’idée étant dans mon propos de dérouter l’attention vers un objet insolite sans abîmer l’intégrité de l’autre.

Lorsque j’enseigne le dessin et la peinture je mange rarement du chocolat. Par contre je parle de tout et de rien, souvent de sujets en décalé qui accrochent  le conscient de mes élèves plus ou moins. Ou alors je propose soudain de boire un café, un thé.. ou encore je prends des attitudes bizarres en m’asseyant, en me levant, je joue avec leur attention de cette façon afin que l’acte de peindre s’éloigne du contrôle de la pensée. Parfois je met de la musique et je joue sur le volume …

Dérouter l’attention pour qu’elle laisse l’inconscient s’exprimer dans la peinture.

Proposer des exercices répétitifs puis soudain introduire une contrainte supplémentaire.

Proposer la contrainte de n’utiliser que deux couleurs et soudain dire que les deux couleurs peuvent se mélanger… laisser la phrase en suspens… aller chercher le café..

Ah au fait tu peux aussi mettre du blanc j’ai oublié de le dire ..

J’ai perdu pas mal d’élèves avec cette façon de faire c’est vrai. Peut-être que je ne trouvais pas les bonnes clefs, les bonnes phrases, les bons gestes…je n’allais pas me contenter de leur apprendre la peinture, c’est si peu de chose.

Je cherchais une pédagogie qui puisse allier à la fois la connaissance technique et autre chose, cet autre chose par laquelle le vrai travail de peinture commence.

Les gens qui sont partis étaient des touristes je crois. Ceux qui sont restés se font une joie de m’apporter leurs travaux chaque semaine. Ils travaillent chez eux parce qu’ils ont trouvé l’envie de peindre.

Et bien sur nous prenons un café, le thé pendant que je commente les travaux.