Croire en l’innocence, la projeter sur un objet comme on lance une ligne à l’eau en oubliant qu’au bout il y a bel et bien un hameçon, une proie qui viendra s’y accrocher est cette erreur que tu as sans doute faite, tout comme je l’ai faite plusieurs fois dans ma vie.
Tout autour de nous souviens toi cette croyance nous avait un matin projeté vers un territoire sans heurt, aux contours de coton sous un ciel toujours bleu.
Et puis il y avait cette fille qui marchait le long du canal. Et cette fille et les poissons alors ne faisait qu’un sous la surface sombre des eaux.
Il était possible qu’elle s’arrête à ta hauteur et qu’elle te voit tout autant que tu sentes soudain le scion de la canne plier sous la tentative d’évasion d’un pauvre gardon qui se serait pris à ton piège de pêcheur.
Mais à cette époque, dans cette éternité de ce que l’on nomme jeunesse ou innocence rien n’était plus léger que cette gravité qui nous convenait parce qu’elle était directement issue de la magie. De la surprise et du mystère alliés.
Cette innocence tu t’en souviens permettait à la fois d’arracher la gueule au gardon sans regret ni remords et de percer les flancs d’un ver neuf pour prolonger le plaisir de la surprise. Tout comme tu pouvais aussi rester muet comme une carpe voir même grognon lorsque la fille te souriait avec ses belles dents blanches et que tu n’avais de regard que pour le battement ténu de sa veine carotide. Elle s’asseyait bien sur et vous restiez ainsi sous le ciel bleu à contempler l’eau sombre dans ce frisson de retenue mutuelle qui rendait la vie soudain si palpitante.
Parfois le gardon retombait à l’eau en se décrochant et la fille continuait son chemin sans même un regard.
Cela ne faisait guère de différence au pays d’innocence où le pincement au cœur est le sel relevant les douleurs à la hauteur des poèmes pour rendre l’existence savoureuse.
Que de souvenirs, merci !
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