Avoir une idée

Quand on s’intéresse à ce que peut-être une idée, si on s’amuse à revenir à 0, à se dire « je ne sais pas ce qu’est une idée » et que l’on tape le mot sur son moteur de recherche, il y a de grandes chances pour que les mots clefs qui s’affichent en même temps que l’on tape ce mot ne soit que des idées de cadeaux.

Si change sa formulation et que l’on écrive  » avoir une idée » presque aussitôt se déploient les mots clefs faisant référence au génie ou à l’argent, d’ailleurs en creusant on s’aperçoit que le génie et l’argent sur internet sont souvent étroitement liés.

Avoir une idée est une mauvaise formulation mais qu’on ne cesse pas d’utiliser tout le temps. Est ce que l’on peut vraiment « avoir » des idées.

Je n’en ai jamais « eu », aucune que je n’ai pu attraper et mettre dans ma poche ou dans une cage.

J’ai suivi des idées parfois oui ça c’est possible comme on suit son petit bonhomme de chemin.

Je me suis approché d’une idée ou d’une autre lorsqu’elles passaient près de moi attirant mon intérêt, comme peuvent m’attirer certaines femmes. Et encore pas n’importe lesquelles.

J’ai toujours été méfiant, suspicieux envers cette évidence partagée par tout le monde qu’il fallait absolument avoir des idées.

Et je ne m’en suis pas plus mal porté je vous l’avoue.

comme le disait Brassens, « mourir pour des idées d’accord mais de mort lente » du coup je n’ai retenu qu’une chose de cette jolie phrase c’est qu’il fallait surtout profiter de la vie sans trop se faire des idées.

Car on peut s’en faire des idées, en pagaille même.

Cela me ramène à la peinture évidemment comme toujours ou presque. Il y a des personnes qui visualisent leurs tableaux, qui s’en font une idée très précise avant de le peindre, et d’ailleurs plus ils feront cet effort de précision avant même de prendre un pinceau plus il atteindront leur but facilement si je puis dire.

Je n’ai jamais pu pratiquer de la sorte. Je n’ai jamais pu visualiser un tableau avant de le faire. Je suis un laborieux, je peins en tâtonnant et j’efface et reprend sans arrêt. Ce que j’attends c’est d’être surpris par ce quelque chose qui soudain me permettra de voir clair dans la confusion que je dépose sur la toile. Ce qui soudain lui donnera un équilibre, une harmonie, et avec de la chance si les dieux me sont favorables, un sens.

Peindre pour moi c’est se mettre au service de ce hasard, de cet entre deux entre un monde invisible, une éternité et ma temporalité de moucheron. Je guette cet entre deux tout en agissant avec mon pinceau comme un chaman fait des passes chamaniques ou tape sur son tambour. En créant du désordre à la surface du coton ou du lin j’ai l’intuition que quelque chose ne cesse jamais d’arriver à un moment ou un autre depuis l’éternité jusqu’à la toile pour insuffler de l’ordre. J’appelle cela de l’ordre, mais je pourrais tout aussi bien parler d’idée.

L’idée ne nait pas de moi, pas en moi.

l’idée se dépose sur la toile comme un oiseau sur une branche, elle reste quelques instants à peine puis s’envole à nouveau vers le ciel ou un autre arbre.

Ce serait injuste de la confondre avec cette visualisation très précise dont j’ai parlé plus haut.

Injuste c’est le premier mot qui me vient.

Je veux dire surtout que ce n’est pas le bon état d’esprit pour l’accueillir . C’est un état d’esprit trop borné à une volonté d’obtenir un résultat avant même d’entreprendre une action. Et puis au bout du compte ce ne serait qu’une simple copie que j’effectuerais dans ce cas là. Il n’y aurait ni originalité ni surprise.

L’originalité encore un sacré mot. Comment être à son contact sinon en revenant soi-même à l’origine, c’est à dire à l’instant même ou la pointe du pinceau effleure la surface de la toile pour s’élancer dans un trait ou se recroqueviller en un point ?

L’originalité ce n’est pas la nouveauté. C’est même tout le contraire.

L’originalité c’est l’éternité retrouvée dans un seul instant de peinture. Ensuite si l’idée trouve son chemin depuis l’éternité jusqu’à cet instant ce ne sera pas de ma faute.

Illustration Atelier de Mark Rothko. J’adore ce peintre car il a réduit à très peu de chose le rituel de l’accueil d’une idée. On pourrait même imaginer que le rituel lui même est l’idée tellement ce que je ressens face à ces toiles est émouvant et m’emporte tout entier.

3 réflexions sur “Avoir une idée

    1. tu vas finir par me détester c’est sûr, rire ! mais tu sais il y a tellement de façons différentes de le dire, je n’ai pas inventé le fil à couper le beurre je t’assure.. c’est peut-être même toi qui le trouveras avant moi 😉

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      1. ;-)) Pas de détestation en vue. J’aime beaucoup le fait de « résumer » cet « essentiel » car au final cela le condense et le fait pleinement vibrer en lui donnant une accesibilité mentale, spirituelle facilitée.
        Du pur bonheur pour moi 🙂

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