Sans vouloir jouer les psychanalystes, à la lecture du récit de l’Illiade quelque chose m’avait déjà inquiété enfant. L’intention qui se dissimule sous tout acte héroïque était inquiétante. Tout comme le premier contact visuel avec le sol grec aura été inquiétant. Cette beauté, ce bleu du ciel, des portes, des volets tranchant sur le blanc de chaux des bâtisses. Ces myriades d’iles comme autant de fragments, de traces encore visibles d’une catastrophe antédiluvienne. La beauté et l’effroyable toujours étroitement associées.
Qu’Achille et Hector soient encore considérés comme des héros, si mythologiques soient-t ‘ils, la qualité de leurs actes cependant n’est pas du même tonneau. Cela ne part pas d’un même type d’intention. On pourrait résumer cela en parlant d’intention claire, louable, d’une vertu sociale qui s’oppose à une autre plus trouble, plus égoïste, plus humaine finalement. Hector est le perdant du combat qui l’oppose à Achille. Même les dieux s’en mêlent étonnamment.
Hector a tué Patrocle le meilleur ami d’Achille, son alter ego. Peut-être , même si on ne le dit pas dans le récit, s’agit il d’une relation, d’un amour homosexuel. En tous les cas il y a quelque chose d’inconsolable à première vue chez Achille qui l’oblige à nourrir une colère, une volonté de vengeance, et c’est à partir de ce noyau d’intentions qu’il parvient avec l’aide d’Athéna qui empruntera les traits du frère d’Hector afin de l’entrainer au combat, et qu’il terrassera son adversaire tout en refusant, en premier lieu, qu’on lui accorde une sépulture digne.
A cette époque laisser un cadavre sur le champs de bataille c’était vouer l’ âme du héros comme du gueux à errer dans l’ombre éternellement.
C’est grâce à Priam le roi de Troie qui n’hésitera pas à traverser seul sur un char les lignes ennemies pour supplier Achille qu’enfin ce dernier cèdera. La dépouille d’Hector sera ainsi rendue, ointe comme il se doit et même un peu plus, puis on la brulera dans une jolie cérémonie qui lui assurera enfin de rejoindre les champs Elysées.
Une différence d’intention qui se résume entre égoïsme et altruisme, individu et société. Il n’en demeure pas moins que tout héros reste un modèle. Que ses intentions soient « bonnes » ou pas. Chacun illustre un travers ou une vertu tout comme chacun des dieux de l’Olympe.
L’ambiguïté réside souvent dans le doute provoqué par le mélange des genres. Si un dieu, une déesse possède le droit à l’ambiguïté, et c’est même quelque part souhaitable qu’il ou elle puisse en jouir, chez les humains les vertus et les défauts doivent apparaitre plus tranchés.
En tous cas on comprend bien que les littérateurs tentent de résoudre les doutes comme ils le peuvent. Leur but est avant tout altruiste et sert à l’édification d’une société, d’une mentalité. C’est clair et net au départ en tous cas.
Que nous puissions découvrir désormais autant d’ambiguïté de nos jours à ces récits nous place à peu près à la même échelle que ces anciennes divinités. C’est ce que nous briguions plus ou moins depuis toujours.
En cherchant à nous accaparer leur pouvoir, à devenir des divinités, nous avons aussi hérité de cette ambiguïté, que nous tentons souvent en vain de réduire ou d’expliquer.
Cependant à moins d’un coup du sort extraordinaire qui nous conforterait dans l’ineptie, nous ne sommes toujours pas des dieux. Nous ne sommes qu’ambiguïté et c’est bien là notre punition si l’on veut d’avoir entretenu en nous mêmes et sur nous mêmes, tellement d’orgueil de vanité et d’ignorance.
Cela n’empêche nullement les studios hollywoodiens de continuer à vouloir perpétrer le même schéma de ces héros des temps antiques sous de nouveaux costumes. Lorsque je tombe sur de vieux Western, un film de cape et d’épée un meeting politique américain, je retrouve systématiquement mes inquiétudes enfantines et je suis à l’affut des intentions de ces personnages, pas celles que l’on veut absolument nous faire ingurgiter pour aller boire du coca et bouffer du mac do, mais plutôt celles que se passent sous le manteau les sectes évangélistes de tout acabit et qui ont finit par envahir l’Europe avec le temps.
Tout ce puritanisme exporté depuis des cervelles enfumées outre atlantique a finit par venir nous empoisonner l’existence.
En visionnant récemment une émission sur les Kennedy, sur leur obsession dynastique phénoménale, derrière toutes les belles images diffusées, matraquées sur la tête du bon peuple américain, on est bien en droit d’imaginer facilement le pire coté coulisse.
On retrouve un peu de cette vieille histoire, de ces antiques combats ou des héros revêtus d’armes et d’armures éblouissantes s’entretuaient allègrement que ce soit dans l’arène ou sur des champs de batailles prévus à cet effet.
On a malgré tout bien du mal à imaginer un Trump, un Macron en Hector ou en Achille. On a sans doute les héros qu’on peut comme tout le reste, ou à peu près.
Depuis que nous sommes des dieux, l’immortalité nous avachit.
Il n’y a pas beaucoup à perdre, si on a encore le courage de parier qu’il sera décidé un jour prochain que nous redevenions tout simplement mortels et que l’on envoie tous les héros de quelque origine fussent-t ‘ils se faire voir chez les grecs, comme on dit.
Si ça se trouve c’est déjà commencé et sans pop corn.
Bon jour,
Il est vrai que « … les studios hollywoodiens… » ont copié honteusement … mais en moins bien … 🙂
J’ai eu l’occasion de lire ce genre de livre … c’est un tantinet barbant … entre les chants de présentations, les combats, les descriptions, les orateurs fougueux … et les centaines de personnages (premiers, deuxièmes, troisièmes, ) … j’ai retenu seulement que c’est un tout extrêmement « vivant » par le ton de la narration …
Max-Louis
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