L’Autre est le temps

On peut apprendre de tout et tout le temps. Je me suis toujours dit ça plus ou moins tout en m’acharnant à ne jamais en tirer le moindre profit. Comme si devant moi s’étendaient des coffres bourrés de ducats, de louis d’or, de lingots et de bijoux et que la posture à laquelle je m’accrochais m’interdisait d’y fourrer les doigts. Il en va de même pour tout pouvoir. Pouvoir et richesses semblent depuis le début les écueils qu’il faut repérer soigneusement afin de vite s’en écarter.

Cependant c’est effectuer qu’une moitié du chemin. Peut-être dans une autre vie explorerais je ces vertiges d’être un Crésus, un de ces potentats imbus d’eux mêmes à fond que pour mieux chuter et de plus haut vers la douceur infinie des prises de conscience qu’offre le dérisoire.

Et cela n’est rien encore de découvrir le purgatoire, encore faut il rester dans une vigilance correcte pour en tirer le meilleur parti

Car après tous les mea culpa, les larmes, la bave qui coule sur le menton, après s’être tambouriné copieusement les tempes et le poitrail et s’être usé les genoux dans d’improbables pèlerinages, il faut parvenir à se redresser encore, à se mettre debout et repartir du bon pied.

N’est ce pas paradoxal alors de découvrir que prendre le temps est aussi souvent en donner ?

Donner du temps à l’Autre, c’est soudain découvrir cette richesse que l’on ignorait en soi.

En plein Butor en ce moment, immergé et sans doute submergé je m’interroge sur la volonté de cette pointure capable d’écrire autant de volumes savants et de réduire soudain la voilure. Collaborer à la fabrication de livres d’artistes.

Ce fut une activité qui l’occupa beaucoup les dernières années de sa vie. Parfois pour ne créer que très peu d’exemplaires, deux ou trois avec des artistes qui ne furent pas des célébrités, juste par affinité. Cela réhausse le bonhomme soudain dont je ne connaissais que peu de choses finalement à part la Modification et l’Emploi du temps lus hâtivement à l’époque pour des impératifs scolaires.

Ce que je comprends de cette démarche ? c’est encore entremêlé avec ça et là quelques fils qui s’échappent et que j’ai envie d’extirper de la pelote doucement.

Celui là par exemple qui silencieux me dit que le temps c’est l’Autre ou l’Autre c’est le temps, on peut inverser les termes dans tous les sens ça ne change rien au fond.

Ce temps qu’on veut conserver pour n’en rien faire bien souvent, ce temps égoïste et jouissif, y aurait il un apaisement véritable à le consacrer à n’importe qui d’autre qu’à soi-même ?

Sans sombrer dans une spiritualité de bon aloi, dans cette pensée pieuvre d’une gentillesse et d’une bienveillance forcée, sans se baratiner.

Les réseaux sociaux ont parfaitement compris cela. tous ces likes c’est je t’aime ces commentaires rapides sous forme de smileys cordiaux, c’est une bonne occasion d’utiliser cette règle fondamentale : il n’y a pas de temps sans l’Autre.

Le hic c’est que ces salauds rajoutent aussi Time is money, ce qui devient l’Autre c’est de l’argent.

Dommage.

Huile sur toile 30×30 cm Patrick Blanchon Avril 2021

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