Moi-Crapaud, Moi-peau.

Vise la tronche de cette bestiole,

ce crapaud et penche-toi, embrasse la !

Alors le miracle adviendra

Une peau commune se tissera

L’horrible deviendra charmant.

Et si c’est un désert, s’il n’y a rien

qu’une nostalgie agaçante, éreintante,

Si aucune enveloppe précise chérie ou honnie

ne te permet d’être contenu ?

Qu’adviendra t’il alors ?

Ton moi ma chair, ta peau s’étendront

à l’infini de ce désert sais tu

Nous deux seront désert déserté de tout plein

Un grand vide.

On s’habitue au désert comme on s’habitue à tout.

A la morsure des soleils

A la soif ce tigre blanc à dompter

malgré soi.

A la faim. A toutes les faims enfin.

Jusque dans les rêves ce vide s’étendra

dans l’évanescence des corps dissous

Tout se diluera

S’emmêlera en clameur, en impression

de chaleur de douceur

de chaleur et d’odeur

de chaleur et de plaisir

de chaleur en honneur

que l’on projettera étoile

dans le vaste ciel noir

d’une question sans réponse.

ça nous fera marcher

ça nous fera penser

ça nous fera pleurer

Et rire un peu aussi

la peau notre propre peau à essorer

deviendra si dure et toute froissée,

facile à tacher à signer

un parchemin où sont gravés l’espoir la déception

l’envie et la satiété

comme des lettres s’entremêlant sur un palimpseste.

Disparaissant ressurgissant

suivant la nuit suivant le rêve.

vise la tronche de cette bestiole,

ce crapaud penche toi et embrasse la

Alors le miracle adviendra

le mirage disparaitra

l’oasis jaillira

Tu croasseras

tu parleras

tu écriras

Tu sculpteras

et tu vivras.

Et tu diras tout bas

Moi crapaud Moi-peau

j’ai navigué de l’horreur à la splendeur

je me suis recroquevillé puis écarquillé

comme un regard

jusqu’aux étoiles.

je cherchais une enveloppe

pour offrir mon désir fou

n’importe laquelle

une grenouille verte un crapaud roux.

Je sais désormais faire avec

la mer et ses varechs

Mon masque et mon tuba les palmes

Mes palmes de palmipède

Je nage vers les lumières

tout au loin des abysses des profondeurs

j’ai trouvé place dans le tohu bohu

je ne me mire plus dans aucune glace

mon cœur s’est enfin arrété là

exactement à la peau.

Au delà gisent toutes les nostalgies

les bonbons salés les coussins péteurs

Les iles flottantes

et les vains trépignements.

J’ai des pensées de crapaud

et rien de ce qui me constitue

n’excède la frontière de la peau.

Moi-Crapaud, Moi-peau.

Encre sur papier

7 réflexions sur “Moi-Crapaud, Moi-peau.

  1. Bravo pour vos beaux mots! Cela me fait penser à une ligne d’un poème de Boris Vian dans « je voudrais pas crever » :

    « Et moi je vois la fin
    Qui grouille et qui s’amène
    Avec sa gueule moche
    Et qui m’ouvre ses bras
    De grenouille bancroche »

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  2. « la frontière de la peau », cet appel à l’écorchage me rappelle une lointaine lecture qui m’a laissé des cicatrices : « La peinture et le mal » de Jacques Henric…

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    1. « Sans une base de terrible il n’est pas de ravissement parfait. » De Quincey cité par Jacques Henric dans Carroussels. Mais je me suis plus inspiré d’Anzieu pour ce texte. Merci et belle nuit, journée 😉

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      1. Après lecture de la critique des critiques d’art, je continue à penser que leur prose ou leur poésie, quand ils ont la « terrible » sensibilité de Jaques Henric, enrichit l’artiste, l’oeuvre et celui qui la contemple. En revanche, je fuis les psy qui ne méritent sans doute pas d’être tous mis dans le même sac… 😉

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