Précision

Il suffit juste que je me mette à me poser cette simple question pour que le vertige m’envahisse. Je veux dire que se passera t’il dans un mois, dans un an, dans 5 ou 10 ? Si je veux m’effrayer un bon coup pour déclencher la dose nécessaire d’adrénaline qui me soulèvera de mon siège pour me propulser jusqu’à la salle de bain, je n’ai qu’à penser à ce genre de chose.

Car la plupart du temps je me heurte à une sorte de mur de Planck, au delà du bout de mon nez, le flou semble être la limite qui se confond avec tous les horizons possibles et impossibles.

Et à ce moment là je me remémore une phrase que l’on m’avait chuchoté à l’oreille d’une voix douce et suave : Essaye d’imaginer les choses avec un maximum de précision pour qu’elles arrivent.

J’ai fait un paquet d’efforts à cette époque dans l’unique but de conserver cette relation avec la propriétaire de la voix. Mais ce n’était pas une raison suffisante visiblement. Je veux dire que je n’étais pas prêt à tout dans le fond pour me lancer dans une velléité de précision dans un but purement égoïste.

Je repense à cela aujourd’hui en regardant les tableaux emballés juste avant de partir dans le Jura pour une nouvelle expo.

Je ne peux plus les voir en peinture ces tableaux. Je les ai tellement vus et dans de nombreux lieux qu’ils me sortent par les yeux.

En phase dépressive enfin c’était à prévoir depuis septembre, me revoici enfin revenu à mon élément de base.

Je veux dire cette mélancolie, cette tristesse liée à une sorte d’impuissance, le tout mêlé de regret et de remords et qui tour à tour m’emporte vers une compassion imbécile ou au contraire dans une colère, une rage quasiment incontrôlable.

C’est dans cet état pourtant qu’il faut être le plus vigilant et conserver le sourire. C’est là le vrai travail.

L’écriture m’aide beaucoup à essayer de préciser tout cela. En le mettant noir sur blanc, au dehors j’aspire à faire place nette tout en n’étant pas dupe non plus.

Ce serait trop facile et donc à coté de la plaque comme d’habitude.

Non je me dis qu’il faut faire cet effort de précision, sortir de l’obsession de l’urgence, agrandir l’espace et le temps, sans se prendre trop au sérieux non plus.

Gommer s’il le faut et recommencer jusqu’à disparaitre totalement dans la pureté d’un trait, dans l’exactitude d’une valeur, dans la précision toute entière.

Peintures floues. Patrick Blanchon 2021

3 réflexions sur “Précision

  1. Bon jour Patrick,
    Un effet de survie constant comme sur une grille électrique dont on ne sait pas quand le courant viendra chatouiller l’échine … une fois encore …
    Bonne journée à toi 🙂
    Max-Louis

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  2. Je connais bien le sentiment que vous décrivez. Vous avez raison, l’écriture aide, la peinture aussi. Nous tournons donc notre attention et nos pensées vers quelque chose de créatif et – comme vous le décrivez – nous échappons à l’obsession de l’urgence.

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