Ce qu’offre le mythe va plus loin que la rêverie, ou encore que le savoir, il emporte une partie de nous, silencieusement vers une connaissance dont on prendra conscience peu à peu au fil du temps. C’est parce qu’ils sont construits sur un fond commun, des archétypes eux-mêmes logés au plus profond de notre inconscience.
Vouloir expliquer un mythe, c’est déjà s’éloigner de ses forces vives, tout comme vouloir expliquer un poème.
En revanche et c’est là toute sa richesse il peut déclencher tout un réseau d’interprétations, un alphabet encerclant le silence, des variations musicales accompagnées de fréquences grâce auxquelles voyage l’esprit dans l’océan de sa propre ignorance.
Et parfois ces vaisseaux atteignent des archipels, les terres arides et fécondes du cœur, propices à se raconter si celui qu’elles convoquent leur prête un regard, une oreille attentifs.
Au dessus de ma tête ce matin très tôt la nuit perlée d’étoiles m’emporte vers des rêves de constellations. Je ne connais rien à l’astronomie, juste cette notion vague de me sentir infime, quantité négligeable , vis à vis de cette infinitude.
Et pourtant je suis bel et bien là, vivant, et rêvassant. N’est-ce pas extraordinaire quand on y pense, on peut imaginer à la fois le rien et l’infini et comprendre que tout peut-être ainsi relativisé, même si au bout du compte ça ne freine ni le temps, ni le facteur apportant les factures, ni les douleurs articulaires qui par ce jour pluvieux de novembre les actualise.
Ce matin, juste avant la pluie, en prenant mon café et ma première cigarette je me suis vraiment dit que vivre était bizarre et puis les premières gouttes d’eau sont tombées, le carrelage de la terrasse est devenu glissant, la chatte a miaulé comme pour dire restons pas là, nous nous sommes engouffrés dans l’atelier.
Le désœuvrement s’inscrit dans le bordel laissé sur la table, et le vide des murs. Et évidemment je ne peux m’empêcher de penser à ma disparition qu’elle soit proche ou lointaine ne change pas son ineptie ni le trouble provoqué par ma résistance à celle-ci.
Ces pensées qui ne cessent de revenir chaque année à la même saison et qui tourbillonnent dans ma tête comme ces petits paquets de feuilles que le vent fait danser sur l’asphalte des rues, je n’en voudrais pas aujourd’hui. Je voudrais voir les choses différemment, rien que pour voir.
Mais comment faire ? Certains disent qu’on ne se refait pas. Que c’est comme ça. On est comme on est. Une histoire d’âme et de karma.
Mais tout de même ces petites feuilles qui dansent dans l’air frais du matin ont attiré mon attention sur la route qui me menait Vendredi dernier dans le Jura. Je les ai trouvées belles, et même joyeuses avec leurs couleurs chaudes, orange rouille et or.
Se libérer de la branche provoque t’il la joie ? l’ivresse ? Bien sur que c’est de l’interprétation, bien sur.
Et tout à coup je repense à Hercule, à ce projet que j’ai de peindre les douze travaux et qui n’avance pas. Je crois que j’ai assez bien cerné désormais l’affaire du lion de Némée, il est temps désormais de passer à l’Hydre.
J’ai repris quelques notes recueillies dans Wikipédia que je relis notamment ce récit de Paléphatos de Samos (Histoires incroyables,
« On dit aussi de l’Hydre de Lerne que c’était un serpent pourvu de cinquante têtes sur un seul corps ; quand Héraclès tranchait l’une de ses têtes, deux surgissaient. Un crabe vint au secours de l’Hydre. Et puisque le crabe avait aidé l’Hydre, Iolaos aida Héraclès.
Il est fou, celui qui croit que l’une de ces choses est arrivée. L’aspect même de ce monstre est ridicule. Et comment se fait-il qu’Héraclès, alors qu’il sectionnait une tête, n’était pas dévoré ou harcelé par les autres ?
Voici donc comment cela se passa.
Lerne régnait sur un territoire qui portait son nom. En ce temps-là, tous les hommes vivaient dans des villages ; à présent, ce territoire est habité par les Argiens. Les cités d’alors s’appelaient Argos, Mycènes, Tyrrhènes Lerne, et chacune d’elles était gouvernée par un roi. Les autres souverains étaient soumis à Eurysthée, fils de Sthénélos et petit-fils de Persée. Le royaume de Mycènes était le plus étendu et le plus peuplé. Mais Lerne refusait de lui être assujetti. C’est donc pour ce motif qu’il lui faisait la guerre.
Il y avait à Lerne, à l’entrée du pays, une citadelle fortifiée, gardée par cinquante courageux archers ; ils se tenaient sur la tour, nuit et jour sans interruption. La citadelle se nommait Hydre. Eurysthée envoya Héraclès pour détruire cette citadelle. Les sujets d’Héraclès assaillaient les archers de la tour avec des projectiles enflammés. Quand l’un d’eux, touché, tombait, deux autres prenaient sa place, car le mort était brave.
Tourmenté par la guerre à cause d’Héraclès, Lerne engagea des mercenaires cariens. Un homme nommé Crabe, puissant et belliqueux, arriva à la tête d’une armée. Et avec son aide, ils attaquaient Héraclès.
Par la suite, Iolaos, fils d’Iphiclès et neveu d’Héraclès, vint de Thèbes lui prêter main-forte avec une armée. S’étant approché de l’Hydre, il mit le feu à la tour qui se dressait sur la forteresse. Grâce à cette tactique, Héraclès les vainquit ; il tua l’Hydre et anéantit l’armée.
De cet événement on a écrit que l’Hydre était un serpent, et on a formé le mythe. »
Une seule tête est immortelle, la première et parait il elle est constituée d’or. Les autres sont mortelles mais peuvent repousser lorsqu’on les tranche.
La seule solution est donc de s’équiper d’une torche pour brûler le tronc à chaque fois qu’une tête tombe, de cautériser la plaie.
Au delà de tout le contenu historique, logique, sémantique de cette histoire je ne peux m’empêcher de songer à ce que les Hindous appellent les « Gunas » ces petits démons qui s’accrochent aux personnes et qui leur empoisonnent l’existence. Que faire de ces pensées morbides, ces pensées d’impuissance, et qui souvent rendent la vie dérisoire tout à coup ?
C’est ce que produit le désœuvrement souvent comme une sorte de passage obligé. Aller et venir dans des enfers personnels comme dans des territoires chtoniens où l’humain ne semble plus avoir cette importance magistrale qu’il se donne lui-même. Cela remet les pendules à l’heure.
J’ai étalé du jaune, du rouge sur la palette pour fabriquer des oranges. Il faut que je me fabrique quelque chose au plus près du feu pour bruler toutes ces pensées noires qui ne cessent de repousser sitôt que je désire m’en éloigner.
La peinture cela sert peut-être à cela aussi, à cautériser des plaies, à empêcher la tête de reprendre le dessus et de cracher son poison.
Décidemment, j’aime beaucoup vous lire tous les matins ! 🙂
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Merci ça me fait bien plaisir aussi 😉 belle journée !
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