En tant que peintre mon boulot consiste souvent à prendre du recul. En tant que presbyte cela vaut beaucoup mieux aussi, car en vrai et sans lunettes je ne vois jamais vraiment ce que je fais quand j’ai le nez sur mes tableaux.
Au début, cela m’agaçait un peu. Surtout lorsque je tentais de lire l’écran de mon téléphone et que j’étais obligé de pincer celui-ci entre le pouce et l’index dans l’espoir de l’agrandir pour lire le moindre sms que mon épouse m’envoyait. Et souvent j’oubliais le beurre, ou les cornichons, je n’arrivais pas à mémoriser la liste des courses au complet.
C’est insidieux la presbytie. On commence à reculer le livre qu’on lit pour y voir plus clair et puis ensuite le bras n’est jamais assez long.
Mais à toute chose malheur est bon comme on dit.
Si je n’avais pas été peintre j’en aurais surement fait autre chose de bien, car je préfère être positif dans la vie c’est moins fatiguant.
Le recul donc me sert à mieux voir ce qui cloche dans mes tableaux et que je ne vois pas quand j’ai le nez dessus.
Le recul me permet aussi avec l’habitude de m’extraire subitement de phénomènes quotidiens répétitifs et de me dire Sacrebleu mais pourquoi donc répéter toujours les mêmes conneries, essayons de faire autrement.
Le recul me permet aussi de voir mes contemporains de multiples points de vue et ça c’est vraiment fantastique.
Car je peux les voir depuis mon petit bout de lorgnette personnel ou pas.
Je peux les voir comme si je n’étais pas là, d’une façon intrinsèque et dans l’absolu. Ce qui la plupart du temps déclenche de bonnes tranches de rire étant donné l’absurdité qui soudain me saute au yeux.
Je peux enfin prendre du recul sur moi-même et ce de plus en plus rapidement, ce qui ne déclenche pas franchement toujours l’hilarité.
Parfois il m’arrive d’être honteux aussi.
D’autres fois non.
A quoi tient le point de vue ? c’est une énigme du même tonneau que la conscience, ou encore la fabrication du caramel mou.
Pourtant je me demande parfois aussi si prendre trop de recul est une bonne chose car à ce moment là on ne voit plus vraiment le tableau, pas même l’atelier ni la maison, il ne reste plus qu’un petit point qu’on continue à fixer pour se donner une contenance, ou une raison d’être ou je ne sais quoi. Un petit point de rien du tout perdu dans l’immensité de l’espace intergalactique.
Et même une fois je me suis fait peur tout seul parce que même ce petit point insignifiant avait disparu et moi avec.
Du coup je fais aussi des photos des tableaux en cours de réalisation car ça me permet de les voir différemment, et puis c’est surement moins dangereux philosophiquement. Faut espérer.
Super, ces petits formats.
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Merci Luc !
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