Le ton

J’ai hésité pour le titre. Puis je me suis dit on verra bien comme d’habitude. Il parait que c’est drôlement important de placer un bon titre pour que les moteurs de recherche vous propulsent.

Mais comme je n’ai aucune envie d’être un homme canon, ou boulet, je laisse les choses en l’état. Ce sera donc le ton un point c’est tout.

Plus que l’histoire, que l’intrigue, les personnages, les descriptions, je chéri le ton dans les livres.

Dans la peinture évidemment aussi. Sans doute plus encore dans la peinture.

Mais de quoi je parle vous allez demander. Et bien je vais vous le dire même si vous vous ne le demandez pas.

Est-ce que le ton est un poisson, je dis tout de suite non, ça m’évitera de rameuter tous les marins pêcheurs de Bretagne et d’ailleurs sur ce blogue.

Non pas que j’ai quoique ce soit contre les marins pêcheurs, ce sont des gens tout à fait utiles, j’en ai même fréquentés avant de découvrir que j’avais le mal de mer.

Est-ce que le ton fait référence au ton en musique ? Pour le moment je n’ai pas encore assez de visibilité pour dire oui, je me contenterais d’un sobre « ça se pourrait ».

Est-ce qu’on va parler du téléthon ? Pas plus que de la pêche en Sicile.

Est-ce qu’on va parler d’un adjectif possessif ? Alors là non, je déteste tout ce qui est possessif je le dis souvent à ma femme.

Alors pourquoi le ton me demanderez vous ?

Et bien c’est lié à mon réveil ou éveil, je ne sais plus comment qualifier cet événement, je ne voudrais pas tromper le lecteur sur la marchandise, et utiliser un mot qui traine un peu partout en ce moment.

Donc je me réveille sur mon canapé, après avoir regardé une émission passionnante sur Arte au point que je sombre dans les bras de Morphée sans me rendre compte. Une émission sur la Vierge au fuseau, peinte deux fois par Léonard de Vinci. Il était très fort, parce que déjà peindre un tableau une fois c’est déjà pas de la tarte.

Bref la chaine enchaine avec Albrecht Dürer, et là je crois que je perds le fil assez vite.

Non pas que j’ai la moindre acrimonie contre ce merveilleux dessinateur, graveur, peintre, mais je m’étais fait une plâtrée de pates bolognaises, en bon célibataire temporaire.

J’en ai repris trois fois.

Et puis les ambiances protestantes, si joyeuses soient-elles, me font somnoler, c’est comme ça, je n’y peux strictement rien. Pour parachever le tout, le ton du narrateur du documentaire, d’une platitude soporifique, n’a pas du arranger les choses.

Donc l’éveil ou le réveil, vers 4 heures du matin. Accompagné d’une authentique prise de conscience sur l’importance du ton, j’arriverais à l’expliquer plus ou moins logiquement, si ça intéressait qui que ce soit, ce dont je doute. Moi par exemple ça m’endormirait.

Donc le ton seul surnageait à la surface de ce bombardement de photons intempestif lorsqu’enfin j’ai ouvert l’œil et le bon.

Il surnageait mais ne m’a pas gêné pour aller me faire un café, le boire, tout en fumant ma première cigarette de la journée.

On peut s’entrainer ainsi à caresser une idée tout en n’ayant pas l’air de trop insister de peur de la faire fuir. C’est une technique que j’aurais du faire breveter, je serais riche.

Mais comme je me fiche aussi d’être riche comme d’avoir plein d’amis, et de devenir beau, j’ai préféré laisser le dossier dans les tiroirs de mon bureau.

De quoi je voulais parler après toutes ces digressions ?

Ah oui le ton ! Faut pas que j’oublie, déjà qu’hier j’ai trompé le lecteur en évoquant une recette de crêpes que je n’ai jamais réalisées… on va finir par me prendre pour un turlupin.

Le ton dans un récit m’intrigue.

J’adore San Antonio et Desproges par exemple parce l’histoire ne sert jamais que de prétexte. C’est assez illogique mais ça fonctionne. Le but, le dénouement, le motif, tout cela n’est qu’artifice et c’est le ton qui nous le révèle.

J’avais déjà subi un séisme neuronal en 1974 en lisant « Exercices de style » de Queneau, mais comme j’étais occupé à crever mes boutons d’acné, ce que je ne recommande à personne, soit-il mon pire ennemi. Si vous ne voulez pas transformer votre visage en carte lunaire, évitez de gratter vos boutons d’acné, idem pour ceux provoqués par la varicelle.

Tout ça pour dire qu’à l’aube de l’âge adulte j’avais à peine rompu l’os que toute la substantifique moelle du livre de Queneau m’a filée sous le nez. Ce qui est assez courant chez les morveux.

Voir un événement c’est bien. C’est même exceptionnel.

Mais se le raconter à soi-même avec des conjugaisons différentes, avec des termes différents, avec un ton différent, peut vous faire progresser dans l’appréhension du mensonge que nous ne cessons jamais de nous inventer, pour échapper au principe de réalité, c’est à dire l’indicible ni plus ni moins.

( L’indicible ne rêvez pas, je ne vais pas vous faire un cours de mystique persane, l’indicible c’est dans le contexte, tout ce qu’on ne peut dire, cantonnons-nous seulement à cette définition simple et (presque concise) ).

Ensuite je vous conseille de lire Léon Bloy dans la foulée, les premières pages seulement si vous n’êtes pas encore endurci.

Notamment son roman le plus célèbre, Le Désespéré.

Ou encore quelques-uns de mes textes dont je ne suis pas très fier et dans lesquels je laisse sourdre ma mélancolie profonde sans fioriture, sans sas de décompression, et sans but surtout.

Pour parfaire au mieux l’expérience, vous pourriez également vous procurer la version numérique de Sombre Dimanche chantée par Damia, que l’on trouve sur Youtube. Que ne trouve t’on pas sur Youtube quand j’y pense.

Vous passerez par divers états émotionnels sans trop vous en apercevoir et ça peut aller jusqu’à l’envie de vous jeter par la fenêtre, j’ai testé pour vous, ne le faites pas, c’est assez douloureux, même du rez de chaussée.

Blague à part, il m’arrive parfois d’être sérieux même lorsque je plaisante, surtout quand je plaisante.

Sans le ton nous serions dans la nuit noire. Nous ne pourrions jamais nous faire une idée juste à la fois des autres, notamment de tous les emmerdeurs qui nous bassinent avec leurs élucubrations littéraires, souvent éminemment sérieuses, à un tel point qu’elles en sont souvent grotesques et surtout de nous-mêmes ce qui en principe nous intéresse toujours le plus.

Pour finir sans tout dévoiler pour que vous puissiez réfléchir de votre coté, imaginez un curé à l’église, un rabbin dans une synagogue, et observer le ton dont il use pour raconter ses salades aux fidèles.

Ensuite procurez vous le passage en question, et prononcez le avec différentes intonations.

Si vous pensez que vous êtes possédé par des démons, ne riez pas, n’ayez pas peur, restez stoïque au fond de vous mêmes.

C’est que les démons ont besoin de s’exprimer de tant à autre et d’être reconnus pour ce qu’ils sont, ni plus ni moins.

Du coup je m’aperçois que je n’ai pas parlé du ton en peinture. Ce sera pour une prochaine fois, peut-être. D’ailleurs j’ai souvent remarqué que lorsqu’on veut partir d’une idée pour écrire, celle-ci ne cesse de se dérober, de se métamorphoser, puis à la fin elle s’ évanouie, comme si l’idée était une sorte d’appât, un bidule accroché à un hameçon, pour attirer toutes sortes de poissons.

Dali, La pêche au thon ( 1966-67) Fondation Paul-Ricard (Détail)

2 réflexions sur “Le ton

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