
« Voici encore, en cette matière, ce que je veux te faire connaître. Les atomes descendent en ligne droite dans le vide, entraînés par leur pesanteur. Mais il leur arrive, on ne saurait dire où ni quand, de s’écarter un peu de la verticale, si peu qu’à peine on peut parler de déclinaison. Sans cet écart ils ne cesseraient de tomber à travers le vide immense, comme des gouttes de pluie ; il n’y aurait point lieu à rencontres, à chocs, et jamais la nature n’aurait rien pu créer. […]
« C’est pourquoi, je le répète, il faut que les atomes s’écartent un peu de la verticale, mais à peine et le moins possible. N’ayons pas l’air de leur prêter des mouvements obliques que démentirait la réalité […] Lucrèce « De rerum natura »
« Nous avons un mot pour la liberté, qui s’appelle le clinamen, qui est la variation que l’on fait subir à une contrainte… [Par exemple], dans l’un des chapitres de La vie mode d’emploi, il fallait qu’il soit question de linoleum, il fallait que sur le sol il y ait du linoleum, et ça m’embêtait qu’il y ait du linoleum. Alors j’ai appelé un personnage Lino – comme Lino Ventura. Je lui ai donné comme prénom Lino et ça a rempli pour moi la case Linoleum. Le fait de tricher par rapport à une règle ? Là, je vais être tout à fait prétentieux : il y a une phrase de Paul Klee que j’aime énormément et qui est : Le génie, c’est l’erreur dans le système »
Georges Perec
« La pensée incline. Sans crier gare, en des lieux et des temps incertains, elle change brutalement de direction, parfois de façon infime. »
Michel Serres
« Lucrèce le savait :
Ouvre le coffre,
Tu verras, il est plein de neige
Qui tourbillonne.Et parfois deux flocons
Se rencontrent, s’unissent,
Ou bien l’un se détourne, gracieusement
Dans son peu de mort.D’où vient qu’il fasse clair
Dans quelques mots
Quand l’un n’est que la nuit,
L’autre, qu’un rêve ?D’où viennent ces deux ombres
Qui vont, riant,
Et l’une emmitouflée
D’une laine rouge ? »
« Dans ce poème, Yves Bonnefoy reprend à son compte la notion épicurienne de clinamen pour en faire l’image d’une chute de neige. Le caractère savant de la référence n’enlève ainsi rien à la légèreté du poème. La rencontre, l’union et la séparation de deux flocons de neige apparaît, de fait, comme une sorte de danse gracieuse et virevoltante. » Gabriel Rossi du blog litteratureportesouvertes.wordpress.com Merci à lui !
Note personnelle sur la notion de clinamen.
Concernant la vie des lignes en peinture, la verticale si elle se répète provoque l’ennui autant que l’horizontale. Ainsi s’impose l’oblique que l’on découvre par hasard, par accident, par ce que vous voudrez.
Obliquer sur un sentier.
Trouvaille : relation entre clitoris et clinamen ?
« Le clitoris fait écho au clinamen qui, tous deux issus étymologiquement du mot latin « clitus », signifient la pente, la colline, le versant. Joli accord phonique et sémantique ! Lucrèce dans le De Natura définit ainsi le concept philosophique de clinamen : « Les atomes descendent en ligne droite dans le vide, entrainés par la pesanteur. Mais il leur arrive, on ne saurait dire où et quand, de s’écarter un peu de la verticale, si peu à peine, qu’on peut parler de déclinaison. » En quoi le clitoris, ignoré pendant des siècles et mis à jour dans les années 2000 par la recherche gynécologique, pourrait-il incarner une déviation par rapport à la norme ? Cette découverte récente – on devrait en rire – mérite donc une brève description. Vestige invisible de l’anatomie, il forme une arche déployant ses membres musclés autour de l’orifice vaginale dont l’emplacement est marqué par le fanion du bouton rose situé à son extrémité septentrionale. Ce bouton très sensible, quand il est stimulé, a la capacité de faire bander les arches à la démesure de son plaisir et d’humidifier le canal vaginal – pour ouvrir la voie au pénis et accessoirement à la procréation. »
Extrait de cet article de Claire Tencin que je conseille si elle ne le connait pas déjà, à une amie peintre qui se reconnaitra surement puisque je sais qu’elle lit mes articles 😉
Linguistique: ( Wikipédia)
En grammaire traditionnelle et dans les langues où les cas se déclinent, désigne tous les cas, sauf le nominatif et le vocatif.
Modes obliques : Ceux qui ne peuvent servir qu’à énoncer une proposition subordonnée, tels que le subjonctif et le conditionnel.
Propositions obliques : Les propositions subordonnées qui sont énoncées par ces modes.
Le sentiment, l’émotion, l’envie, le gout, de s’intéresser à la poésie est une chose. L’étude de la poésie c’est autre chose. D’ailleurs c’est souvent ainsi dans de nombreux domaines.
Une fois l’engouement passé car les engouements passent, que reste t’il si aucune relation entre l’envie et l’étude ne subsiste ?
Ce que je retiens se situe toujours dans l’espace entre envie et étude, ou envie et analyse, souvent appréhendé d’ailleurs d’une façon oblique.