Autour de la démarche artistique ( épisode 2)

L’ambiguïté des discours

Je me souviens de cette histoire de « projet professionnel » que le type de l’APEC m’avait vendue. Une histoire à dormir debout. Avec bilan de compétence, examen du fond de l’œil, et bien sur du fond de culotte. Tous les projets de restructuration ont comme dada le fameux projet professionnel. On fait croire aux salariés, employés et cadres que grâce à ce passage obligé, l’herbe des pelouses des bureaux de placements sera plus verte. Mais en fait ce n’est pas autre chose qu’un pansement sur une jambe de bois, pour les milliers de personnes qui se retrouvent sur le carreau après un licenciement. Très peu peuvent en tirer un bénéfice.

Il en va de même pour la fameuse démarche artistique qui représente un passeport entre l’univers des peintres dits amateurs et ceux qui s’engagent dans une carrière « pro ».

Les galeries, du moins les rares qui subsistent et qui sont dignes de cette appellation chérissent cette démarche artistique. Cela leur permettra le cas échéant d’avoir quelque chose à dire à leurs clients si vos œuvres sont retenues et exposées. Comme s’ils ne pouvaient pas échanger en vis à vis avec leurs artistes, discuter du pourquoi, du comment, de vive voix, par téléphone, par email, par visio…

Non, l’élaboration d’un document intitulé démarche artistique sert à bien plus de choses qu’à celles auxquelles on penserait.

C’est en premier lieu un outil de sélection. Soit tu en as une soit tu n’en as pas et ciao l’artiste.

Ensuite tu peux te creuser le ciboulot en tant qu’artiste évidemment. Tu peux te dire ah zut, comme cela semble obligatoire, il faut absolument que je fabrique cette démarche artistique. C’est là en général que les conneries commencent. Au mieux tu risques d’avaler beaucoup de café, au pire de te retrouver avec une camisole de force, complétement cinglé.

Surtout si tu es comme moi un sauvage qui la plupart du temps s’exprime par des hochements de tête, des borborismes et des reniflements. Là tu peux être sur que ça ne va pas être une sinécure.

C’est quoi dans le fond une démarche artistique ?

Certains artistes n’en ont qu’une et ils s’y accrochent toute leur vie. D’autres en changent une fois par mois suivant les thématiques qu’ils ont envie d’explorer. Rien n’est donc à priori gravé dans le marbre.

Cela peut tenir en un ouvrage de 500 pages où on te raconte tout dans le menu depuis la première bledine avalée, ou en quelques lignes sur une page A4.

Il faut qu’il puisse y avoir un pourquoi c’est l’essentiel. C’est ce qui rassure ou qui plait parce qu’on a l’air d’en savoir plus tout à coup, de devenir intelligent devant les œuvres d’un artiste.

Mais à la vérité et surtout, d’après ma propre expérience, ni le bouquin de 500 pages pas plus que le petit paragraphe ne rendront compte vraiment de quoi que ce soit sinon de l’art de se faire des nœuds au cerveau.

La vérité que je perçois dans cette exigence à peine dissimulée de la part du marché de l’art c’est une affaire de positionnement.

A qui je vais pouvoir vendre ton travail ?

Quel type d’artiste es tu ?

Combien ça peut valoir en euros ?

Comment un malentendu peut rendre l’ouïe ?

En découvrant cela je suis devenu dur de la feuille presque aussitôt. De plus je m’étais abonné à un collectif d’artistes parce que j’avais besoin de comprendre comment utiliser internet et les réseaux sociaux pour montrer mon travail correctement.

L’une des premières formations proposée par ce collectif, était je vous le donne en mille : Comment parler de sa démarche artistique

Les difficultés ont alors commencées. Il en allait de ma vie d’un seul coup, soit j’étais capable d’aller chercher dans le tréfond de moi-même le ressort qui me poussait à peindre, soit je n’y parvenais pas et je n’avais plus qu’à rejoindre la longue cohorte des peintres du dimanche, ou des artistes maudits selon l’expression consacrée de not’ bon maitre. ( clin d’œil en passant s’il lit ces lignes)

Bref j’ai confondu démarche artistique et psychanalyse carrément au bout du compte. J’ai fait très fort.

Et du coup de sourd et obtus je me suis mis à tendre de plus en plus l’oreille et à m’ouvrir à de multiples possibilités.

Non pour élaborer le fameux document. Non pour essayer d’expliquer ma peinture. Non pas du tout, mais pour écrire. Je m’en suis d’ailleurs donné à cœur joie. Et les 500 pages paraissent tout à coup fort ridicules par rapport à tout le contenu de ce blog qui doit désormais dépasser les 2000 textes.

Ce que j’ai très bien compris aussi c’est cette affaire de positionnement liée à cette notion de démarche artistique.

Personnellement j’ai largement dépassé la date de péremption pour être accepté par une galerie, une vraie, dans l’état du marché actuel. Les collectionneurs n’investiront pas sur mes tableaux des sommes folles.

Et tout bien pesé c’est tant mieux car cela m’ennuierait vraiment d’être sollicité de toutes parts, d’assister à des mondanités et des discours creux la plupart du temps.

Le positionnement que j’ai choisi c’est celui de rendre mon art accessible au plus grand nombre. A tous ceux qui aiment mon travail sans avoir besoin de l’expliquer en long en large et en travers.

L’âge me permet de me foutre totalement de nombreux miroirs aux alouettes, toute ma démarche artistique finit de plus par ressembler comme deux gouttes d’eau à mon existence, au pourquoi je ne me suis pas encore pendu ou défénestré ou gavé de Lexomil.

Je profite du plaisir que j’éprouve à découvrir de nouvelles choses chaque jour en peinture comme je profite du plaisir de vivre tout simplement.

2 réflexions sur “Autour de la démarche artistique ( épisode 2)

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