



Parmi tous les personnages de cette histoire abracadabrante, il est temps d’évoquer le professeur. Et si possible sans porter préjudice à celui-ci. C’est à dire en pesant le pour et le contre comme on le fait d’ordinaire pour se faire une idée à peu près juste de quoique ce soit.
Impossible donc de pénétrer dans les extrêmes. Il n’y aura ni louange ni accablement. Juste l’observation la plus objective possible des faits.
A très exactement 10h52 minutes le professeur commence à s’agacer et sort précipitamment pour fumer une cigarette. Dehors il fait encore un peu frais mais il fait beau temps.
Un bref coup d’œil sur l’ampélopsis squelettique du mur ouest de la cour et qui commence à se peupler de longs bourgeons, inspire au professeur un bref réconfort.
Il en profite pour faire le point rapidement car il se trouve aux prises avec un os. Avec cette élève là, la magie du professeur n’opère pas.
Elle ne cesse de clamer qu’elle ne sait pas où elle va, que le tableau qu’elle est en train de faire ne veut rien dire, que tout est moche et qu’elle ne sait pas si elle reviendra le mois suivant.
A partir de là le professeur a le choix. Soit il rentre à nouveau dans la pièce et il dit :
—Effectivement c’est mieux que tu ailles voir ailleurs car tu me gonfles le boudin prodigieusement.
ou bien Il peut aussi revenir dans l’atelier en disant:
— C’est super ! l’ampélopsis commence à bourgeonner c’est vraiment le démarrage du printemps.
Autre possibilité encore :
— Tu sais c’est tout à fait normal de se sentir perdu au début, ce n’est que ta troisième séance, accroche-toi.
Et même, il pourrait s’asseoir, prendre une feuille et lui montrer comment lui, le professeur, réalise un tableau abstrait sans réfléchir.
En ajoutant en guise de préface peut-être : « l’important c’est de bien préparer ses couleurs sur la palette pour ne pas se freiner ensuite ou s’interrompre lorsqu’on peint et qu’il faut en refabriquer dans l’urgence. »
Eureka se dit le professeur en éteignant son mégot.
Et il fait effectivement ce qu’il a décidé en dernier recours sous le regard de son élève récalcitrante. Elle a les larmes aux yeux la bichette.
Puis il dit ;
— à toi de jouer ! en ajoutant un petit clin d’œil bienveillant, ça ne mange pas de pain se dit le professeur.
Désespoir de l’élève qui reste les yeux rivés sur le tableau du professeur.
— C’est vraiment pas compliqué dit encore le professeur. Tu prends le pinceau, tu le trempes dans la peinture et tu peins sans y penser, en t’amusant à poser la couleur.
— …
—Quels sont les trois mots importants ici et maintenant ? se sent contraint d’ajouter encore le professeur, je vous les rappelle:
- Accepter
- Plaisir
- Enthousiasme.
—Maintenant si vous tenez à souffrir absolument, libre à vous, mais sachez que ce n’est pas du tout nécessaire pour réaliser cet exercice.
—Moi je ne peux toujours pas m’empêcher de souffrir quand je peins dit une autre élève comme pour rassurer sa voisine éplorée.
— c’est parce que tu crois que souffrir te préservera de faire « n’importe quoi » , parce que tu crois que souffrir est la seule solution pour un but une destination, un accouchement… Dit le professeur.
Puis il s’adresse au groupe dans son ensemble :
—Ce que vous appeler une destination un but c’est du déjà vu, c’est un cliché auquel vous vous accrochez comme une moule à son rocher. Oubliez ces choses idiotes, peignez et surprenez vous.
Ça, c’est du vécu !
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😉
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La douleur est hélas une posture artistique bien souvent…
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oui on est nombreux à passer par ça ça doit être judéo chrétien. Belle journée Barbara
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Un cours de plaisir s’impose !😉
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Dure réalité. Il y a toujours ceux qui croient qu’il faut souffrir pour faire quelque chose de bien parce que sinon le-bon-dieu-et-punira… Faut s’accrocher parfois !
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Peindre, Ecrire, Danser, Composer, bref créer se fait au fil de l’eau, sans que la raison vienne mettre son grain de sel. C’est le peaufinage qui laisse intervenir les outils pour un ajustement. La contrainte est l’ennemie de la création. Le Beau étant tellement subjectif, s’offrir la possibilité de faire, se laisser surprendre par le geste, le mot, le pas de danse, l’accord de musique inattendus, voilà à mon sens le secret d’une pépite qui aura bien le temps ensuite d’être polie. Qu’en pensez-vous? Sinon, j’aurai opté pour cette bichette en pleurs par la rupture totale avec : « — C’est super ! l’ampélopsis commence à bourgeonner c’est vraiment le démarrage du printemps. ».
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Merci pour votre commentaire ! Et bien le thème de ce texte c’est le personnage du professeur, et certainement une illustration de la manière de se faire des nœuds au cerveau par excès de bienveillance, de générosité… (mon point faible si je m’identifie à celui-ci). Et la question qui en découle c’est le pourquoi se faire tant de mouron autant pour peindre un tableau que pour enseigner la peinture ? Car finalement ces deux personnages sont sur une même fréquence sans le comprendre. Ensuite pour ce qui est de créer chacun voit midi à sa porte, certains ont besoin de tout prévoir en amont et d’autres se laissent porter par le fil de l’eau comme vous dites. Mais ce qu’il faut privilégier à mon avis ce sera toujours l’action. D’ailleurs c’est noté noir sur blanc dans la genèse de toute création « Au début était le verbe » ce que j’interprète à mon petit niveau comme l’action. Bonne journée !
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