47. Sous cloche.

— Ce qui est stupéfiant c’est de constater à quel point les gens dorment profondément alors qu’ils se croient réveillés.

— Oui mais c’est seulement stupéfiant lorsqu’on se réveille soi-même et qu’on le constate. Donc c’est là-dessus que tu dois travailler. Tu ne peux pas changer le monde en descendant seul dans la rue avec une pancarte pour protester.

Maria s’est redressée, son visage est un peu plus dur que d’habitude. Il ne lui manque qu’une armure et un casque pour qu’elle ressemble à Athéna la déesse de la Justice.

— J’ai envie de les secouer pour qu’ils se réveillent.

— Surtout pas réplique t’elle. Tu ne peux pas interférer ainsi brutalement dans la vie que chacun s’est choisi de vivre.

— Que faire dans ce cas ? je ne supporte pas cette passivité, cette impuissance.

— Il y a plus d’une façon de lutter me dit Maria. Et parmi toutes l’une des plus difficiles est de lutter avec élégance, en s’effaçant à chaque fois afin de ne pas se laisser envahir par la vanité ou l’orgueil. En mettant de coté ton petit égo.

— C’est pour cela que j’ai toujours voulu être artiste. Mais quelque chose m’en a toujours plus ou moins empêché. Je me suis mis les bâtons dans les roues tout seul sans vraiment savoir pourquoi.

— Sans doute parce que tu ne prends pas les choses dans le bon ordre. On n’a pas à « vouloir » quoique ce soit, on l’est ou on ne l’est pas. Si tu te sens artiste sois-le et voilà tout. Puis elle me tourna le dos et sorti de la maison sans un mot de plus.

Je me retrouvais seul à me demander ce qui pouvait bien clocher encore. Qu’avais je dit ou fait pour contrarier mon ange gardien, pour le pousser tellement à bout ?

Alors je me centrais sur moi-même pour écouter les battements de mon cœur. Je remontais le fil des événements et je n’eus guère à aller chercher bien loin.

Je me revis la veille au soir en train de faire le pitre. Des amis étaient venus pour diner et ils désiraient visiter l’atelier, voir mes derniers tableaux.

La série Révélations les étonna. La femme dit je n’aime pas du tout, l’homme dit on dirait de la BD.

Comme ça m’agaçait j’ai lâché quelques mots notamment celui d’abduction en indiquant sur l’un des petits formats la scène ou un extraterrestre est en train d’opérer sur une silhouette allongée. Et j’ajoutais que cela m’était arrivé que cette série relatais ma propre histoire, ce dont j’étais parvenu à me souvenir.

J’ai vu la mâchoire de l’homme se modifier comme s’il serrait les dents fortement. Il n’osait pas rire je le voyais.

La femme m’a regardé et elle m’a dit

— Tu déconnes là.

Je n’ai pas répondu à la question j’ai dis aller on va boire un coup, on va prendre l’apéro.

Ils avaient apporté un jeu de société et nous avons joué un peu tout en buvant l’apéro. De temps en temps ils me regardaient bizarrement.

D’autant que c’était un jeu où il fallait dire un mot et trouver la carte qui correspondait le plus à ce mot

— Abduction j’ai redis le même mot.

Et je les ai vu se décomposer aussitôt.

Du coup ils m’ont demandé ce que ça pouvait vraiment vouloir dire. Et je leur ai raconté qu’à l’âge de 8 ans je me suis fait enlevé par les gris tout à fait sérieusement.

Plus je racontais l’histoire plus je les voyais s’enfoncer dans le canapé où ils étaient assis ne sachant plus s’ils devaient rire ou bien se mettre en colère d’avoir à écouter de telles inepties.

Je les voyais tellement mal à l’aise que j’ai eu honte. Alors j’ai fait une plaisanterie et ça a détendu un peu l’atmosphère.

Néanmoins ils voulaient soudain en savoir plus. Alors j’ai continué; j’ai dit qu’en ce moment j’étais pas mal dans le sujet parce que j’écris ce roman et que les tableaux que j’ai envie de peindre sont en lien avec toutes ces idées qui m’occupent toute la journée et la nuit.

— tu déconnes a encore dit la femme lorsque je lui ai dit que mon vrai corps était quelque part sur une planète de la constellation d’Orion que j’avais découpé mon âme en plusieurs morceaux pour remplir plusieurs missions en même temps dont une sur cette terre.

— Et c’est quoi au juste ta fameuse mission me demande l’homme en rigolant.

— Aider les gens à se réveiller car vous avez tous été mis sous cloche. Vous dormez et vous ne vous en rendez pas compte.

— Ah ouais a dit la femme et toi t’es éveillé, t’es un peu comme Bouddha ou Jésus n’est-ce pas… sur un ton ironique.

— Oui c’est la raison pour laquelle il ne faut pas vous étonner outre mesure si je traverse la pièce en lévitant j’ai dit en clignant d’un oeil.

On est tous parti dans un sacré fou rire. Mais j’ai tout de suite senti au fond de moi je n’aurais pas du raconter ces choses. J’avais enfreint quelque chose d’important sans faire vraiment attention.

C’est pour cela que ce matin les mots ne sont pas venus comme d’habitude et que Maria probablement me boude.

On ne plaisante pas avec la source de la création. Sinon on ne fait pas avancer les choses et au lieu de libérer les gens sous cloche, on les renforce encore plus dans leur croyance en leur réalité. Ils s’y endorment encore plus profondément.

2 réflexions sur “47. Sous cloche.

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