
Que veux tu faire dans la vie ?
Combien de réunions de famille finissent ainsi en eau de boudin suite à cette question posée par un oncle, une tante, un cousin germain, maure, voire même espagnol ?
C’est la question qui tue.
Elle possède la propriété magique de réduire en poudre tous les bons moments précédents et même ceux à venir, bref : tous les moments que nous fumes ou serions susceptibles de partager avec la personne qui nous la pose. Cette question possède pour propriété majeure d’exalter l’angoisse et personnellement de me renvoyer à une solitude ontologique.
Mais que dire lorsque c’est un monsieur en costume cravate au crâne dégarni qui nous la pose lors du fameux entretien d’orientation qui s’effectue à la fin du collège ? Est-ce qu’à 14 ou 15 ans nous pouvons répondre sans hurler, calmement à cette question ?
Que veux tu faire dans la vie ? Quelles études tout d’abord ? Comment ? Tu n’as jamais mis les pieds au CIO le fameux centre d’information et d’orientation… Et j’ai une question jeune homme, te masturbes-tu tous les jours ou presque, une à deux fois par semaine, ou moins que ça ? D’ailleurs connais tu seulement ce mot là ?
Possible que l’on soit traumatisé à jamais à la fois par cette impossibilité de se projeter dans l’avenir que par cette question qui réactualise systématiquement cette faille.
Possible que cette question nous ramène comme entre deux gendarmes à la réalité commune alors que nous étions lovés dans l’éternité et la solitude d’un présent, tout entier perdu dans sa jouissance. Et que soudain la culpabilité nous tombe dessus avec la question, cette torture.
Possible que le jouir du moment en pâtit à mort.
Possible que l’implémentation du temps comme la nécessité de l’accorder à un travail, à une fonction dans la collectivité ajoute encore cet effroi, celui là même qui, sans tout cela, serait probablement difficile à nommer.
Possible que tout ramène à cet unique effroi dissimulé tout au fond de cette cohorte de poupées russes stressées :
La certitude certaine que tout doive irrémédiablement s’achever un de ces quatre.
Donc en attendant que tu crèves que veux tu faire de la vie ? voilà comment on peut entendre la question , c’est à dire de façon tellement inappropriée à la fois de la part de l’émetteur que du récepteur.
Pour autant certains ne semblent pas connaitre cette angoisse.
Ils répondent du tac au tac.
Et je n’ai jamais su, suite à cette observation s’ils étaient de parfaits imbéciles, téléguidés par un lavage de cerveau social ou familial,
ou bien si c’était moi l’andouille prisonnier de mes doutes perpétuels sur à peu près tout et rien.
Même encore aujourd’hui que je suis plus près de la fin il m’arrive de me reposer tout seul cette question.
Qu’est ce que je veux faire du reste de ma vie ?
Mais désormais je sais que c’est juste une manière de se masturber, peut-être plus paresseuse, peut-être plus désespérée aussi que toutes les autres déjà expérimentées.
Oui quand tout va trop bien, quand ça ronronne, ça ne peut pas aller, ça n’est pas possible et il convient donc réveiller une difficulté d’être, une peur de l’achèvement et surtout de repeindre ce vieux fantasme d’être un Phoenix increvable.
Que veux tu faire dans la vie ?
C’est le petit verre de rhum qu’on avale au fond des tranchées et qui nous abruti avant de partir à l’assaut des chimères, et de remplir sa bouche de terre.
Que veux tu faire dans la vie ? Qui doit on tuer massacrer violer pour parvenir à y répondre sans rire comme un dément ?
Je faisais partie de ces enfants qui savaient depuis toujours ce qu’ils voulaient faire dans la vie…Aujourd’hui ce vouloir-là s’est déplacé vers un sentiment d’imposture, non pas de mon fait, mais j’ai trop conscience de la grande mascarade sociétale qui entretient la médiocratie à tout prix, pour vouloir continuer à jouer sur ce terrain là…
Quand je serai grande, je voudrais écrire…
Belle journée Patrick
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Quand je serai grand… je ne sais pas quand ça risque d’arriver, c’est un peu comme la prière du Notre père, je bute sur les premiers mots. Belle journée à toi Barbara, je t’embrasse bien fort
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Cette question, c’est sous la forme d’un sujet de dissertation qu’un maudit enseignant me l’a posée. Je devais avoir 16 ou 17 ans, j’ai répondu dans le nombre de lignes imparti que ce n’étaient pas ses oignons. Depuis lors, je n’ai pas eu de plan, j’ai juste suivi les chemins qui se présentaient, et n’ai jamais rien regretté. La seule chose que j’ai vraiment voulue, je ne l’ai jamais eue, et j’ai fait avec, au plutôt sans.
Aujourd’hui je suis encore sur ce chemin tortueux, c’est ma vie et je l’aime. Quand j’étais grand, je ne savais pas … maintenant vieux, je sais encore moins.
E la nave va …
Merci pour tous ces doutes.
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Je pourrais répondre avec exactement les mêmes mots que Barbara… Et, en plus, » l’avenir n’est plus ce qu’il était! »
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