84. Notule 84

Travaux d’élève: l’atelier de Mathis. Acrylique et fusain sur papier.

Voici un pays totalement inconnu, c’est la journée à venir qui s’étend devant vous. Vous n’avez rien préparé la veille, pas de bagage, pas de projet, pas d’idée particulière et vous voici rendu à son seuil après une plus ou moins bonne nuit de sommeil. Il ne servira probablement  à rien de vous interroger sur le comment et le pourquoi  vous en êtes arrivé là.

Ce serait encore une fuite et vous le savez, une occasion pour ruminer le passé, de ne pas faire face à ce qui est en train d’arriver et si vous êtes comme moi de vous accabler d’une culpabilité semblable à un totem auquel se raccrocher pour tenter d’exister.

Mais comment s’y prendre pour aller de l’avant ? Y a-t-il une ou plusieurs astuces sur lesquelles vous pourriez vous appuyer pour faire le premier pas et ainsi profiter, autant que faire ce peu, de cette nouvelle journée ?

C’est la raison de ce billet, il est là pour vous inspirer tout autant que son auteur.

 Car je vous l’avoue, il y a des journées sitôt levé je n’ai guère qu’une envie c’est d’aller me recoucher.

L’imagination et la mémoire ne sont pas toujours nos amis

Donc vous êtes désormais assis ou pas, votre mug de café à la main et vous vous demandez tout un tas de choses. Enfin moi je fais exactement comme ça, je me demande ce que je vais faire de ma journée plus ou moins et ce dès les petites heures du matin.

C’est-à-dire que j’ai une vague idée qui tient plus de l’habitude que d’autres choses.

Par exemple nous sommes mercredi et je sais par avance que ma journée sera longue car je dois me rendre en région lyonnaise pour dispenser des cours de peinture à des enfants et des adultes jusqu’à ce soir 21h30.

Disons que c’est ainsi toutes les semaines et que je n’ai même plus à réfléchir. C’est programmé sur mon calendrier comme une tâche récurrente. C’est-à-dire que j’ai décidé en début d’année scolaire que tous les mercredis exceptés les périodes de vacances scolaires je me rendrais dans ce lieu invariablement entre 14h et 21h30. Et que cela me plaise ou non il en est ainsi.

Cette habitude de réaliser la même tâche peut être rébarbative si on n’y prend pas garde. C’est un peu comme une relation de couple. On finit par ne plus vraiment se parler ou s’interroger sur la raison d’être de ce couple.

On accepte progressivement au cours des années que les choses soient établies ainsi et on se réfugie dans la formule du « c’est comme ça ».

C’est souvent parce que notre esprit est occupé à trouver une issue à l’ennui que nous créons de toutes pièces ainsi que cet ennui devient de plus en plus pesant.

Moi par exemple il m’arrive de rêver assez souvent de voyages ces derniers temps, d’île grecque où j’irais seul de préférence pour profiter des dernières années qui me restent à vivre.

En imagination tellement de choses sont possibles, accessibles immédiatement. Tellement, que l’on laisse en plan la réalité et que la journée peut tout à fait s’écouler comme toutes ces journées que nous connaissons tous. Une journée insipide où il ne se passe pas grand-chose sinon toujours plus ou moins les mêmes choses depuis des années.

C’est totalement faux bien sur mais ça nous arrange de le penser, ça nous dédouane de dire que c’est plus de la faute de la journée qu’à soi-même.

Car évidemment il y a mille façons de considérer le terrain vierge de la journée comme on peut aussi imaginer qu’il y a mille histoires différentes à écrire sur la page blanche de ce traitement de textes.

Prendre le taureau par les cornes

Vous le voyez passer, impossible de le rater, et le souvenir d’une fresque de Cnossos vous revient. Une belle bête assurément, sauf que vous n’êtes pas danseur pour deux ronds. Quelle énergie faudrait il pour parvenir à s’élever dans les airs, et surtout quelle motivation pour vous donner le moindre allant.

Une chaleur étouffante s’est insinuée dans la maison désormais, et vous avez beau tenter d’ouvrir ou de fermer les fenêtres rien n’y fait. C’est énervant. Une sensation énervante vous offre comme issue quelque chose qui ressemble à une bonne vieille capitulation.

Cela commence par se resservir un café puis attraper la tablette pour consulter les emails. Mais la répétition ne peut vous échapper, pas plus que la prise de conscience d’une nouvelle fuite.

Il faut prendre le taureau par les cornes certes, mais vous vous sentez lourd, et autant dire le mot: impuissant à effectuer le moindre effort. Dans le fond le mot obligation est un petit poisson argenté qui file vers encore plus de profondeur.

Vous tentez de vous projeter pour contrer l’écroulement. Et si je prenais ce foutu taureau par les cornes que se passerait-il ? Et vous voyez toutes les tâches remisées par ordre de priorité ressurgir aussitôt dans vos pensées. Elles vous plombent encore plus n’est-il pas ? C’est un Everest à gravir et le sport aussi vous dégoute.

Le petit poisson virevolte encore une dernière fois avant de disparaître définitivement avec le grand taureau blanc. La vérité est ainsi comme le mensonge de toutes les obligations que l’on veut s’imposer.

Tenter un petit coup de nostalgie

Un instant on se souvient de jours meilleurs, lorsque la créativité contenait à la fois sa cause comme son but. Lorsque elle dominait le débit de la journée en ouvrant les vannes en grand sitôt le pied posé sur le parquet. Elle faisait de nous ce pantin qu’elle trimballait jusqu’à la table de travail en agitant devant son nez une belle idée comme on fait avancer les ânes à l’aide d’une carotte.

L’imagination, la créativité sont devenues suspectes, ce sont des femmes au sourire un peu trop engageant pour être sincère, et dont le regard est un petit peu trop maquillé. Des putes ne feraient guère mieux pour vous alléger le portefeuille, vous sucer la sève.

Et puis cette obsession de vouloir faire preuve de quoique ce soit vous relègue invariablement au banc des accusés. Dans un tribunal où vous êtes à la fois juge et partie. Rien de bien nouveau à l’horizon. Et le verdict est archi connu aussi.

Vous êtes accusé d’avoir gâché proprement toute votre vie quand ce n’est pas celle d’autrui.

Vous voilà en pleine rétention d’information. Aucune preuve ne servant à quoique ce soit comme d’habitude, sinon à être débouté, sans la moindre perspective d’appel. Vous voici don condamné à ouvrir l’œil et le bon cette fois. D’ailleurs vous êtes borgne il faut aussi vous en souvenir.

Borgne de ne voir systématiquement que le mauvais côté des choses avec cette prétention et cette naïveté de croire que vous êtes le seul à le voir. Toujours ce même refrain vous vous bercer d’être le seul éveillé dans ce monde de somnambules.

Et si on prenait garde aux mots ?

Si le mot “occuper”arrivait en bouche de la même façon que toutes les foutues pensées qui nous accablent, pourrait-on décider d’en utiliser de nouveaux pour s’extraire de la poix ?

Occupe t’on une journée comme on occupe un pays où un enfant ?

Et s’occupe t’on aussi soi-même pour juguler cette sensation d’être et de vivre si puissante est t’elle qu’elle nous effraie? Qu’on ne puisse jamais rien bâtir sur celle-ci qui ne se transforme tôt ou tard en défaite, en illusion ou en mensonge ?

Il ne reste qu’un résidu à la fin de cette transformation alchimique de soi et on n’a l’œil rivé que sur ces déchets. On n’a aucune conscience de l’essence, de l’esprit qui s’en élève et sans doute est-ce très bien comme cela.

C’est même une étrange consolation qui nous berce de se rendre compte d’une telle ignorance. Une consolation à partir de laquelle on peut peut-être entrer enfin dans la journée avec une confiance renouvelée, et ce que l’on s’occupe ou pas, n’y changera pas grand chose.

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