Je ne me sens pas tranquille

Ce texte fait partie d’une recherche que j’effectue sur les écrits de Christophe Tarkos dans le cadre d’un atelier d’écriture animé par François Bon. Il est volontairement sans ponctuation et il s’agit d’une fiction. Je suis parti de l’expression « je ne suis pas tranquille » que l’auteur utilise pour introduire un texte destiné à une voix, à la chanteuse Françoise Atlan ce texte a pour titre « oratorio »

Je ne me sens pas tranquille la gouttière pousse un cri de métal quand la branche de l’olivier en pot frotte sur la gouttière par intermittence je ne me sens pas tranquille quand la musique dont le volume est excessif pénètre ici dans la cour une musique que je n’ai pas choisi ni d’entendre ni d’écouter une musique que les voisins m’imposent en plus du vagissement de leur bébé en plus de ses cris de ses rires de ses pleurs et de leurs cris à eux un couple de voisins dans la trentaine qui ne cesse de s’engueuler copieusement et je me dis que je ne peux pas me sentir tranquille comme je le voudrais comme je le souhaiterais comme j’en rêve quand tous ces bruits cette musique de merde ces cris ces rires s’engouffrent ici dans la cour sans que je ne puisse rien y faire qui me rendent impuissant d’agir en quoi que ce soit de logique de sensé de raisonnablement humain et puis il fait chaud très chaud c’est étouffant et le vent qui s’engouffre ici dans la cour par intermittence ne me rend pas tranquille non plus j’imagine j’essaie de m’habituer à tout ça mais ça demande un effort, un effort répété fatiguant à répéter surtout qu’un tel effort ne change rien un tel effort ne me rendra pas plus tranquille je l’entrevois déjà il fait si chaud et là sensation d’étouffement s’intensifie au fur et à mesure que j’y pense elle aussi et comme pour insister encore un peu plus les voisins ont monté d’un cran supplémentaire la musique maintenant je crois que c’est du rap des choses que l’on dirait crachées par saccades par des voix barbares à tonalité basses et rageuses arrogantes désespérées sans doute avec une telle violence j’imagine que c’est violent et pas uniquement une énergie déployée comme ça pour rien c’est une musique qui a comme but d’agresser quelque chose chez les gens une musique qui veut s’en prendre violemment à quelqu’un et quelqu’un et ça ne me rend pas tranquille quand je me rends compte que c’est moi ce quelqu’un c’est du rap je crois c’est fort mais pas encore assez distinct suffisamment pour écouter les paroles on ne peut que les subir ainsi comme des sons des bribes de paroles violentes et insensées on devine tout ça et ça se mélange avec les cris de la mère sur l’enfant les cris du père sur la mère qui crie sur l’enfant et les rires ou les pleurs de l’enfant au demeurant ce n’est peut-être pas un bébé comme je le croyais je perds mes repères en ce moment je ne me sens pas tranquille et la branche de l’olivier par intermittence fait à nouveau grincer le métal de la gouttière cette musique qu’on m’impose je n’ai pas de mot qui me vienne que celui d’injustice c’est une injustice mais je ne peux rien y faire je la subis et je fais des efforts pour m’y habituer mais elle me dérange et ça ne me rend pas tranquille ça me mets même en colère à me laisser à cette facilité de la colère à la faiblesse d’avoir à la subir cette musique de merde que je n’ai pas choisie d’écouter c’est comme si le voisin te chiait sur la gueule merde avec sa musique de merde et ça ne te rend pas tranquille bien sûr de penser ce genre de chose j’imagine qu’il s’en fout des autres pas de moi seulement mais de tous les autres voisins du quartier et je ne sais pas si lui le voisin est si tranquille que ça sûrement pas j’essaie d’imaginer s’il peut vraiment se sentir tranquille d’emmerder comme ça le monde tout autour de lui je ne sais pas s’il en est conscient ou pas s’il le fait exprès ou s’il s’en fout royalement voilà il est comme un roi qui décide arbitrairement de tourner le bouton du volume et sa putain de musique prend le pas domine sur toutes les pensées les miennes et sans doute aussi celles de tous les voisins du quartier mais personne ne dit rien tout le monde se tait il fait si chaud c’est étouffant et toutes les pensées en tous cas que je pourrais avoir si j’étais là tranquillement assis dans la cour le voisin n’a pas de cour il ne sait pas ce que c’est d’être assis dans une cour comme celle-ci le voisin ne sait pas où ne veut pas savoir ce que ça peut être d’avoir une cour et de vouloir s’y asseoir pour penser à tout un tas de choses tranquillement et se sentir soudain intranquille à cause d’un con qui ne connaît pas plus le respect que les limites il s’en fout il ne veut rien savoir il ne peut pas non plus imaginer qu’une branche d’olivier dans un pot à l’angle de cette cour frotte par intermittence contre la gouttière du bâtiment qui cerne cette cour et que ça produit un bruit que l’on connaît même si c’est un peu agaçant ce n’est pas la même chose tout à fait on peut agir sur ce bruit en décidant un jour de couper la branche par exemple tout le monde a des problèmes qu’il décide de résoudre comme il peut ou pourra ce que je ne me résous pas à faire parce que finalement je crois que je me suis habitué à ce bruit particulier désormais ce crissement métallique que produit le contact de la branche de cet arbre sur le rebord métallique de la gouttière Il y a un petit carillon métallique que nous avons accroché à l’une des branches de l’olivier en pot et quand le vent s’engouffre dans la cour qu’il produit un entrechoquement des petits tubes métalliques de longueurs et de sections différentes il en résulte un tintement sonore très agréable à écouter si on y fait un tant soi peu attention le tintement agréable contraste avec le grincement métallique cela créer un équilibre on pourrait penser à une histoire de vases communicants ou encore une sorte de rétribution qu’offre parfois ce son agréable pour avoir prête autant &´attention au désagréable à ce crissement métallique qui me surprend au moment où doucement je m’enfonce dans la rêverie et m’en extrait brusquement à chaque fois mais est-ce ce toutes ces choses que je perçois ainsi et qui ne me rendent pas tranquille est-ce que c’est vraiment ça n’est-ce pas comme si je leur avais déléguées ce que j’appelle la tranquillité est ce que ces choses sont responsables de mon Intranquillité d’un moment où bien est ce que j’en profite par facilité par lâcheté aussi pour leur attribuer la responsabilité que moi je ne parviens pas à prendre pour retrouver cette tranquillité est ce que ça ne m’arrange pas de venir m’asseoir dans cette cour et de passer ainsi un moment plus ou moins long à me plaindre de quelque chose d’une absence de quelque chose que je veux nommer la tranquillité et qui n’est peut être qu’un mot que j’attrape comme ça par réflexe par facilité par lâcheté pour ne pas avoir à prendre une responsabilité et maintenant je me sens bête et un peu coupable aussi de ne pas me sentir tranquille et maintenant les voisins ont fermé leur fenêtre je n’entends plus leur musique de merde c’est terminé ainsi que tous les cris les rires de l’enfant et maintenant le vent est tombé il n’y a presque plus de bruit alors comment je vais faire pour continuer à le sentir intranquille il faut que j’aille chercher encore plus loin des bruits susceptibles de devenir responsables de cet agacement je vais les chercher au delà du pâté de maisons au delà du parking qui se trouve après le pâté de maison sur la route nationale sur cette déviation de la RN7 sur laquelle des voitures passent accélèrent freinent klaxonnent accélèrent freinent klaxonnent à cause du feu rouge qui se trouve juste sur la gauche avant d’emprunter la petite rue en sens unique passant devant le parking sans respecter la moindre limitation de vitesse tout le monde s’en fout un jour il y aura un accident toutes les voitures foncent dans cette rue devant le parking et le pâté de maisons puis devant la maison où finalement j’habite nous habitons une maison avec un extérieur une petite cour que l’on pourrait trouver tranquille à première vue c’est ce que tout un tas de gens qui viennent ici nous disent qu’elle petite cour agréable vous devez être bien tranquilles et j’entends désormais des voitures auxquelles je ne faisais pas attention tout à l’heure quand mon attention se portait uniquement sur cette musique de merde des voisins qui désormais ont fermé leur fenêtre quand je faisais attention aux cris de l’enfant et que j’en profitais pour râler intérieurement en me disant que ça me dérangeait ces cris ces rires de l’enfant des voisins qui se foutent royalement des gens du quartier tout autour qui vivent à trois avec un chat que j’aperçois de temps en temps à la fenêtre un chat noir une fenêtre pas très grande et que j’imagine être la fenêtre de leur cuisine dans leur petit appartement sans extérieur

8 réflexions sur “Je ne me sens pas tranquille

  1. C’est exprès, ce I majuscule à  » Il y a un petit carillon… » et cette majuscule à Intranquillité ? 🙂 Je dis ça pour prouver que j’ai bien lu ce texte mais c’était difficile. Sans doute que je suis un être « Ponctuel » et que les virgules me rassurent…

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