
Est-ce qu’on peut peindre quand on est mort j’ai demandé, il y a eut un grand silence, j’ai encore eut l’impression d’avoir dit une bêtise… mais comme personne ne me répondait j’ai redemandé est-ce qu’on peut peindre quand on est mort et il y a eut le même silence.
Il fallait que je me contente de ce silence, il a fallu un bout de temps pour le comprendre. Du coup j’ai reposé encore une fois la question pour être bien sûr pour ne pas me tromper, pour être sûr que la réponse c’était ce silence.
Mais peut-être que je n’avais pas posé la question au bon endroit, ça m’était venu comme ça au milieu de ma cour, entre la maison et l’atelier, c’était peut-être pas le meilleur endroit… on ne savait pas à qui elle était posée cette question, et peut être que le silence qui la suivait c’était un silence gêné comme lorsque on dit après vous mais non je n’en ferai rien après vous je vous en prie devant une porte, un siège libre dans un bus, un train…peut-être aussi que cette question était maladroitement formulée car personne finalement ne pouvait savoir à qui elle était adressée.
J’ai pensé à ma mère, elle peignait de son vivant, est-ce qu’elle peignait toujours de sa mort c’était difficile de poser une question pareille
je m’en suis rendu compte tout de suite, est-ce qu’on va déranger les morts ainsi, je me sentais assez gêné et honteux aussi parce que je ne lui ai jamais posé la moindre question depuis qu’elle est morte
ma mère est devenue une question qui a gommée beaucoup de questions que j’aurais pu lui poser de son vivant, et auxquelles peut être elle n’aurait pas plus répondu, peut être que je n’aurais eu qu’un silence aussi, un silence de vivant… ma mère est une question, pas tant ma mère lorsqu’elle était vivante plutôt depuis qu’elle est morte , peut-être un peu des deux.
Ma mère vivante et morte ou vivante ou morte n’est pas une question facile, pas n’importe quelle question non plus , ce genre de question que l’on poserait comme ça aux gens juste pour parler avec eux… non elle est devenue La question toute entière, un peu comme ce silence que je reçois en réponse à ma question.
C’est parce que ce n’est peut être pas la bonne personne je me suis dit et je me suis retenue de poser cette question à ma mère,
puis j’ai fait le tour de pas mal de peintres que je connaissais, tous les peintres morts que je connaissais, cela avait l’air plus facile de leur poser la question à haute voix. Mais là aussi il y a eut un silence. C’était un silence un peu différent en tendant bien l’oreille…mais je ne sais pas pourquoi je n’ai pas voulu m’attarder dans ce silence là non plus
Ça ne me serait pas venu à l’idée de poser la question à mon père je me rends compte à présent.
Est-ce qu’on peut peindre quand on est mort papa ? Il faut toujours aller jusqu’au bout de ce qu’on imagine idiot, absurde, grotesque et ridicule.
Cette fois il y a eut encore un silence bien sûr on finit par s’y habituer, mais tout de même avec un je ne sais quoi de différent, et j’ai senti une odeur de vétiver comme celle de son parfum et aussi de son odeur, l’odeur de sa peau et de son parfum, une odeur unique.
Alors je me suis mis à prononcer le mot vétiver vétiver et je crois que ça m’allait pas mal du tout comme réponse, en fait j’avais posé une question pareille peut être seulement pour obtenir ce genre de réponse là, une réponse qui ne répondait pas à ma question mais qui tout de même pendant toute la fin de la journée me fera du bien je le sens déjà.