Modifier le cours des événements

Tout commence un lundi à 8h09 au moment précis où quelqu’un, une tante ou une cousine, peut-être une sœur ou sa sœur allume le transistor posé sur la table du petit déjeuner et qu’en tartinant avec parcimonie affichée une tartine de beurre pour les uns, de confiture pour les autres la voix basse et grave du journaliste dans le poste émet quelques hypothèses totalement affligeantes sur les prévisions météorologiques de la semaine, ce qui ne manquera pas d’entraîner à coup sûr une pénurie de plusieurs variétés de fruits qui ne résisteront ni à la chaleur intense ni au manque d’eau, sans doute y comptera t’on aussi quelques légumes aussi, ce qui occasionnera encore une hausse des prix et probablement parallèlement à toutes ces difficultés, l’obligation pour le gouvernent de décréter l’état de catastrophe naturelle pour un certain nombre de départements, on pourra aussi prévoir un accroissement sensible de la pauvreté voire même de la misère dans le pays tout entier ainsi qu’une chute de moral des citoyens sans distinction d’âge et de sexe.

C’est à la toute fin de ce bulletin informatif que la sœur ou sa sœur ou la cousine ou la tante s’empourpra violemment, en raison d’une portion de la tartine beurrée qu’elle venait d’engloutir et qui devait être restée coincée quelque part entre l’arrière de ses dents en assez bon état encore pour son âge et son gosier, ce qui ne tarda pas à provoquer des sons gutturaux proche de ceux que peut émettre un âne lorsqu’il aperçoit son maître arriver vers lui avec sa ration journalière de foin, sauf qu’ici on ne peut évidemment pas interpréter ces sons comme une manifestation de joie.

La première personne qui s’en aperçut avait non seulement de l’oreille mais également bon pied bon œil c’était un homme entre deux âges qui avait au cou une chaînette au bout de laquelle était accrochée une minuscule étoile de métal, impossible d’apercevoir sur le moment si elle était d’or, de plaqué ou bien si c’était du toc, tout alla si vite, il donna de grands coups avec le plat de sa main droite sur le dos de sa voisine qui au bout de deux ou trois hoquets recracha le morceau de tartine beurrée en un amas de bouillie couleur jaune de Naples pile dans le bol d’en face, un bol de café tout frais presque rempli a ras bord que s’était servi le fils de la voisine d’en face qui elle préférait non seulement le cacao mais aussi déjeuner tranquille chez elle sans écouter la radio.

Une fois l’événement terminé tout le monde se pencha sur l’affaire aux alentours de 8h16 car on avait éprouvé une peur bleue de devoir appeler le 15 avec tous les inconvénients que cela entraîne généralement et dont le moindre, tout le monde était d’accord la dessus, n’est pas d’avoir à avaler en toute hâte son café froid avant d’aller prendre le train a 8h30 précises pour se rendre en ville dans un quelconque emploi de subalterne.

On n’avait plus envie de revivre un tel événement, on rechercha toutes les causes possibles, les moins possibles, les causes perdues d’avance et même on alla avec circonspection fouiller jusque dans les raisons pour rien, et les grands territoires généralement ignorés de l’inutile, de l’irréel, mais on s’arrêta au moment même où l’on commença à franchir les frontières de l’imaginaire et bien sûr du fantastique.

Ce fut la petite qui n’avait encore rien dit jusque là qui évoqua l’origine plausible de l’enchaînement presque funeste de toute cette série d’événements qui auraient pu produire un résultat regrettable, la radio.

Aussi fut-il décidé à main levée que désormais la famille et les pièces rapportées se réuniraient le matin comme d’habitude à 8h09 mais que l’on s’abstiendrait d’allumer l’objet fauteur de tant de troubles, c’est d’ailleurs ainsi qu’éberlués, un peu sonnés pour ne pas dire ébaubis les petits dé jeûneurs surent qu’ils pouvaient avec un minimum de chance et de volonté modifier le cours des événements.

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