Longtemps je me suis couché de bonne heure en espérant que le lendemain matin, à condition d’avoir passé une excellente nuit, je n’aurais aucune peine à voir surgir, comme par magie, sur le papier, la première phrase de mon premier roman, ce qui bien entendu n’arriva jamais. J’eus beau essayer tout une série de stratégies comme par exemple ne manger qu’une soupe pour ne pas alourdir le processus complexe de la digestion, éviter de lire le moindre roman pour ne pas risquer d’être aussitôt influencé par son auteur, éviter toute effusion exagéré envers un tiers entre 21h et 21h30, heure de mon couché, je n’eus de cesse d’enfiler les échecs comme on peut, si toutefois on a le temps et une certaine obstination, enfiler des perles à un collier. Cette première phrase, celle qui me fit tant espérer et surtout tant souffrir, ne se présenta jamais autour de 7h, AM heure à laquelle transi je l’attendais, emmitouflé dans un pull tricoté par une réfugiée afghane ou turque je ne m’en souviens jamais, mais acheté à vil prix et qui m’enveloppait du col aux doigts de pieds (ou presque) oh oui je vous le jure je l’attendais, bien sur de pied ferme, avec mon stylo waterman encre violette en l’air.
Pour tenter de me consoler je me mis à n’écrire que les phrases suivantes, en laissant un blanc en tête de page. Personne n’y vit évidemment que du feu. Ce n’était bien sûr visible que pour moi seul, il y a ainsi des blessures secrètes qu’on ne serait dévoiler au monde sous peine d’en rougir jusqu’aux oreilles de honte.
Et puis plus tard j’ai bien regretté de n’avoir pas utilisé cette honte pour en faire un roman…
Il n’est jamais trop tard… Et qui a dit que chaque phrase d’un roman doit être le reflet du roman tout entier?.. Très fort, ce vantard !
J’aimeJ’aime