« Tout amuse quand on y met de la persévérance : l’homme qui apprendrait par cœur un dictionnaire finirait par y trouver du plaisir. » Flaubert Correspondance, lettre à Mademoiselle de Chantepie.
Ce gamin qui vient me voir à la fin du cours et qui me dit: je n’arrive à rien, j’ai le sentiment d’être d’une nullité crasse, je voudrais arrêter, que puis-je lui dire qui fasse appel à l’essentiel et lui dévoile une réalité qu’il ignore ?
On ne dessine ou ne peint pas parce qu’on sait bien dessiner et peindre jeune padawan. On dessine, on peint parce que tout d’abord on a envie de le faire, avoir l’envie est peut-être le plus important vois-tu et souvent on se fait de jolis nœuds au cerveau parce qu’on ne pense pas du tout au principal, on s’invente alors tout un tas de bonnes ou de mauvaises raisons pour se dissimuler à soi-même qu’on n’éprouve aucune envie à faire quelque chose, tout simplement parce qu’on subit la pression du groupe, la pression du « il faut le faire »
Donc as tu envie de dessiner As tu envie de peindre ?
Il resta un instant silencieux puis il m’avoua qu’il avait envie d’avoir envie mais qu’il ne savait pas si cela serait suffirait.
C’est un chemin plus difficile je lui dis. C’est comme aimer la sensation d’être en amour pour quelqu’un. Il faut parfois beaucoup de temps pour comprendre que cette envie, que cet amour se trompe de direction. Mais si on y parvient, la prise de conscience vaut toutes les esquisses, les tableaux ratés et réussis du monde.
Car à cet instant on peut faire plus attention à son cœur qu’à sa tête. De quoi as tu envie vraiment ? voilà la question que tu peux te poser régulièrement, pratiquement chaque jour, chaque heure, chaque instant.
C’est une question simple et tellement difficile en même temps.
Et vous monsieur aviez vous cette envie de dessiner et de peindre lorsque vous aviez mon âge ?
Je crois que je n’avais pas d’envie à ton âge, pas d’envie du tout, je faisais semblant pour avoir la paix parce que c’est suspect tu l’as compris.
Et puis un jour je me suis posé moi aussi cette question: de quoi ai je vraiment envie ? Ce n’était pas de dessiner ou de peindre ça tu peux en être sur. J’ai eu soudain envie d’un tas de choses et j’ai persévéré parfois à tort avec les filles, avec les idées, avec les sentiments. Je suis passé par des hauts et des bas comme dans une poussière d’or dans un tamis de chercheur d’or.
Et puis au bout du compte j’en suis revenu à mon point de départ : une horrible une affreuse absence d’envie de quoi ce soit. J’avais l’impression d’avoir tout vu, tout vécu, que ma vie n’était plus qu’une répétition stérile d’erreurs.
Alors je me suis retrouvé dans une solitude étrange, sans ami, sans femme, sans passion, j’ai bien cru à ce moment là que ma dernière heure allait sonner.
Et c’est à ce moment là exactement que j’ai pris une feuille de papier et que je me suis mis à dessiner pour de vrai, une nouvelle envie comme une toute petite graine que l’on plante en terre. Je ne savais pas vraiment ce qu’elle était au début, dessiner me faisait du bien et je me mis à le faire le plus souvent que je le pouvais pour me retrouver.
Se retrouver c’est peut-être lié à une envie, je ne dis pas que c’est facile, je ne dis pas que c’est magique non plus, peut-être qu’il suffit juste de persévérer. Prendre cela au sérieux comme on prend au sérieux un jeu.
A la fin de mon monologue le gamin avait disparu et je restais seul dans la salle de classe. Je m’emparais de la brosse et j’effaçais les consignes notés à la craie blanche sur la surface noire. Je rangeais ensuite mes affaires dans le vieux cartable, pris mon pardessus et refermais la porte derrière moi.
C’était la fin d’une belle après-midi d’automne, des oranges des rouilles et du bleu. J’avais envie de pleurer tout à coup aussi je décidais de m’enfoncer dans le petit sous bois, d’éviter les rues et leurs passants, toute la cohue.

Tellement vraie, ta réflexion sur l’envie de… Elle coupe court à la seconde réflexion de mes élèves, et sûrement des tiens. -. Mais aurai-je du talent ?-. Commence par l’envie ! Persévère en te motivant !
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Merci Christine ! bon après faut pas trop insister non plus sinon les cours de peinture pourraient bien se vider … belle journée ! 😉
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Les cours qui résistent à l’air du temps pratiquent le sens de la mesure autant que celui de la peinture. Résistons !
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C’est beau je trouve quand il dit qu’il a envie d’avoir envie, un excellent début à mon sens, :-), très bonne journée
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Merci Louise ! une belle journée également !
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Merci pour c texte Patrick. Je vais être moins présent sur you tube, blog, dans les commentaires. etc … Besoin de faire une pause.
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Bonjour Patrick je comprends l’idée de pause tout à fait notamment sur internet en général ! Mes plongées en apnée se passent en silence 😉 à bientôt, amicalement
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Agir à l’envie, aussi souvent qu’il faut pour se retrouver.
Texte magnifique, qui me parle beaucoup. 🤩
« L’inspiration, c’est la table », disait Flaubert, et vous commencez votre billet avec lui! Il parle de la table d’écriture, mais tout autre support fait l’affaire quand on persévère.
Belle journée à vous, Patrick!
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Merci Geneviève un autre à dit « percez et vous verrez » bonne journée aussi !
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« Percez et vous verrez »: oui, tellement!
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Oh, moi, le dessin, c’était l’envie de fuir le monde où je vivais, comme un refuge, et puis ce fut un apprentissage solitaire, une transe nécessaire, un plaisir enfin…
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