
Ce dont on se souvient, le peu, des livres, des personnes, des événements. Compresser le peu, l’approcher du rien. S’exercer à la compression.
#Quelques livres. (extrait)
Don Quichotte en vrac: image de Picasso, roman de Cervantes, triste figure chevaleresque, Dulcinée de Tobosco, inaccessible étoile, Tarkovsky, l’image d’un homme qui abat une forêt pour se frayer un chemin vers une étoile, Sancho Pansa, Rossinante et moulins à vent. Espagne. Prison. Un peu semblable à la prison où Sade écrit. Deux tomes dont on ne lit généralement qu’un seul, le premier. Faut-il donc toujours se sentir en prison pour écrire des chef d’œuvres. Le piège de penser que l’enfermement est le signe avant-coureur d’un génie à venir.
L’Odyssée: plusieurs lectures contradictoires. J’ai adoré enfant, adoré adulte, détesté ensuite passant le cap de la cinquantaine. L’homme moderne, la ruse, l’arrogance, et cette amitié louche avec Athena qui vient toujours à sa rescousse. Histoire écrite par un aveugle. Construite forcément à partir du ressentiment éprouvé de n’y voir goutte.
Les Rougon-Maquart , une mythologie valant bien celle d’Homère. Sous une pellicule de naturalisme.
La comédie Humaine. Découverte après coup que ce qui fait rire à une époque ne le fait plus du tout à une autre. Que le rire est aussi ce qui caractérise sans doute le mieux les époques, sauf qu’on est empêché d’y avoir accès pleinement. On ne peut que supputer l’humour d’une époque. Une tombe au cimetière du Père Lachaise, croisée des dizaines de fois, perdue au milieu des autres.
La Tora. Beaucoup trop de commentaires. Mais utile pour en finir à terme avec l’illusion de penser.
La bible, beaucoup trop de commandements dans la première partie, et bien trop de billevesées dans la seconde. Outil pour gouverner les foules aveugles. Outil efficace. Efficace aussi pour en finir avec la pensée, mais trop de méandres sous couvert de simplicité. Fait croire à des choses cachées qui ne sont en fait qu’une longue suite d’évidences.
Le bol et le bâton. Suite de textes traditionnels bouddhistes recueillies par un maître zen. Fait sourire, mais pas que. Vide beaucoup d’illusions concernant l’illumination, l’éveil. Plus vraiment nutritif une fois passé la cinquantaine.
L’herbe du diable et la petite fumée. Vaut de longues et fastidieuses études de psychologie, sans le résultat désastreux habituel obtenu. Permet de mieux saisir l’espace, le lieu d’une humilité digne de ce nom. Permet aussi de saisir comment la fiction permet d’appréhender au plus près certaines vérités. N’inspire que très peu pour user des drogues. Apparition du concept de Grille de lecture.
Parlez moi d’amour. Recueil de nouvelles. Désarçonne, puis éblouit. Ainsi donc la langue parlée est aussi écriture. Savoir écouter. Relations de couple. Le gouffre de l’insatisfaction chronique. Le refuge dans la médiocrité de vivre. Y reconstruire la beauté.
Au delà des apparences. Une bonne chose de découvrir que le monde n’est qu’apparences. Une mauvaise de chercher à vouloir trouver ce que dissimule ces apparences si on n’est pas de taille à l’encaisser. On ne pose pas une question si on n’est pas prêt à écouter la réponse.
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