
On sort du théâtre, de la salle de cinéma, le spectacle est-il terminé pour autant. Toutes les pensées, les opinions, les jugements, souvent binaires, j’aime ou je n’aime pas, forment comme une continuité et crée un léger tremblé du monde. On ne voit pas le lien forcément. Ou on ne veut pas le voir. Mais le spectacle ainsi identifié clairement, par l’affiche le lieu, le prix du billet, n’est qu’un point non isolé d’une ligne dont on aurait peine à retrouver l’origine. C’est cette permanence du spectacle qu’on y ressent et qui nous met face à une forme d’impuissance de pouvoir en sortir.
Cette conscience d’être pris dans le spectacle permanent du monde cherche une issue mais n’est pas armée pour créer des portes, elles sont déjà grandes ouvertes, des issues de secours déjà prévues par l’univers du spectacle.
Reste la lueur d’un café dans la nuit, les reflets de la pluie sur les trottoirs, le bizarre et la sensation de malaise que tout cela produit.
Reste l’alcool, la poésie, la littérature, la peinture, la bouffe et le sexe, autant de véhicules afin d’atteindre à l’ivresse. Rien de plus éphémère. Rien de plus décevant si on creuse l’espoir qui apporte de telles déceptions. C’est que ces ivresses là ne sont pas soutenues par une rage exacte. D’abord être certain de cette rage, qu’elle devienne pour soi indubitable. Étrangement, une fois identifiée, elle ne nécessite plus d’ivresse. Mais une attention de chaque instant.
C’est l’attention à chaque pas, chaque moment, chaque objet, chaque être, une attention en soi-même , qui est le plus susceptible de désamorcer le continuum. De le faire dérayer doucement sans bruit. À cet instant l’attention devient le point qui permet de dévier, de dissoudre, toute ligne. Ne reste plus ensuite qu’à affronter l’exil.