Sortir

Peinture sur papier journal Alexandra Athanasseides

La lumière de la terrasse s’éteint en même temps que s’arrête net le tintamarre provenant du village, amplifié par la mer toute proche. Noir et silence presque total. Puis le brouhaha des protestations monte doucement, des bruits de moteur, des pétarades, coups de klaxon répétitifs. Sur la route en contrebas, des jeunes gens commencent à rentrer. Un peu plus tôt que prévu, il n’est guère que 3 heures du matin. La fête est terminée due à une panne électrique générale. Juste au moment où je pensais à Dionysos, au vin, à HP Lovecraft. A tout un tas de choses, comme d’habitude, puisque réveillé encore une fois bien trop tôt.

Ici sur Andros, l’île la plus septentrionale des Cyclades, le vin et Dionysos. Les vents également. Ce qui lui aura valu parfois l’appellation de demeure d’Eole, ou de Dionysos. Voilà ce à quoi je pensais. Et aussi au mot sortir. Ce qui par association fait ressurgir les notions de Tonal et de Nagual. Retour une fois de plus à Carlos Castaneda. Retour au fantastique. A la nuit totale, comme élément naturel sur quoi on tombe si durant quelques instants à l’occasion d’une panne électrique on se retrouve dans l’obscurité. Ce qui n’est encore bien sûr qu’une métaphore d’une autre nuit qui nous attend, probablement sans aucune étoile.

Sortir de l’habitude, du confort que propose cette habitude même si nous en savons tout le précaire. Sortir des certitudes comme des doutes. Et se retrouver soudain dans une autre dimension de nous-mêmes. Encore une fois dans une pauvreté naturelle, animale, sacrée. C’est à cet instant, propice entre tous, qu’il conviendrait d’observer le plus tout ce qui se déroule en nous. Comment le bruissement des feuillages mêlé au bruit du ressac, mêlé à nos pensées recouvrant des abysses ne forme qu’une seule et même voix. A condition de sortir de l’idée d’être un singleton, un être séparé ou unique. C’est à cet instant quand on accepte ou se résigne à en sortir, à s’égarer dans ce que nous nommons le dehors, que l’on peut constater à quel point le dedans n’est souvent qu’une pâle image, un pâle reflet, mais si rassurant. C’est aussi là que l’on s’aperçoit qu’être rassuré nous prive souvent, toujours, de cette sensation Dionysiaque de vivre ou de mourir à petit feu dans l’immensité d’une nuit qui se dissimule derrière les jours. Bien sûr c’est à cet instant que la panne est résolue, que les lumières se rallument et que des hourras explosent là-bas dans le village.

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