
Andros est une île dans les Cyclades, la racine du mot signifie “homme”. Il y a longtemps en 1989 j’avais eu ce rêve de partir dans les Cyclades, de vivre de rien pour écrire. Et puis j’ai dû faire autrement, la contingence. Arrivé ici en mauvais état après ces deux dernières années si difficiles. Partant pour mourir s’il le faut tant ce ras le bol d’être moi m’accompagne depuis des mois. Mais le bleu du ciel, de la mer, ces longues journées rythmées par le chant des cigales, difficile de crever dans de telles conditions. L’écriture s’est appauvrit, un ras le bol aussi de toujours tourner autour du pot dans de longues trop longues dissertations. Des propos creux. Apprendre à mourir aussi à cela, à la fuite en avant perpétuelle. A cette hystérie que me renvoie l’écriture. Réduire la voilure, tenter du court, éliminer, flinguer. Parfois presque rien qu’un bégaiement, un balbutiement, comme signes avant-coureurs du collapse fantasmé. Rudyard Kipling en tâche de fond avec son tu seras un homme mon fils. Comptines enfantines, vieil écho. J’ai donc imaginé en finir dans l’écrit. Parvenir à cette pauvreté de mots et d’idées. Probablement un nouvel échec. Mais peu importe, toute l’idée de crever c’est réfugiée là dans ces petits textes écrits à la sauvette ou encore dans l’insomnie. Aucune raison de ne pas jouir le reste du temps de ces quelques jours de répit, et d’être présent pour mon épouse. Parvenir à cela déjà je me dis que ce n’est pas si mal. De là à renaître vieux fantasme aussi, une plaisanterie. Finalement être juste ce que je suis tel quel, un il un homme dans cette île, à Andros. Le paysage fragmentaire de ces îles provient, selon la légende, de l’orgueil du serpent Ophion à qui la déesse Eurynomee avait confié l’œuf, fruit de son union avec le vent Borée. Ophion s’était soudain mis en tête une paternité qui ne lui revenait pas. Coup de talon de la déesse dans la mâchoire, le voici qui crache toutes ses dents et voici les Cyclades, dont Andros, la plus septentrionale.