Dans une ballade de Stéphan Eicher, probablement écrite par Philippe Djian, il y a cette phrase : on ne change pas sa vie, on continue seulement Cela semble assez juste. Tout simplement parce que l’on ne peut devenir autre que ce que l’on est depuis toujours. Sauf à débroussailler la confusion, le chaos provoqués par la friction permanente de l’immuable avec l’éphémère, le mouvant. Et, ainsi, comprendre progressivement que l’on n’y voyait pas bien clair, que l’on avançait à tâtons, en aveugle. Qu’enfin cette vision peut s’affiner. À condition qu’on l’accepte. Ou que les circonstances, malgré parfois l’apparence pénible que celles-ci revêtent, nous y entraînerons. Se figer dans le désir de changer n’est pas rare. Se figer dans une lubie, une obsession, un fantasme, est certainement une expérience que l’on vit pour épuiser cette volonté de changement. Le pire serait alors de ne pas la poursuivre jusqu’à son but réel, qui est tout simplement d’en découvrir l’ineptie. Cette ineptie dont beaucoup abusent, profitent, en martelant leur réclame incessante. Toutefois, c’est bien leur rôle, d’entraîner ainsi les dubitatifs, les indécis, les tièdes ou les désespérés tout entiers tournés vers une fausse idée de providence. Comprendre que cette providence peut aussi se manifester en usant du mensonge, du désagréable, de l’odieux, de l’abject tant que ce que l’on voudra en tirer n’est qu’une vanité, une mode, une velléité. Ce trajet prend potentiellement du temps, de l’énergie, de l’argent, autant de ressources que l’on peut imaginer ou pas, infinies, illimitées. Cela mène à l’épuisement, comme l’exploitation inconsidérée des sols. Puis, de cet épuisement, un renoncement naît souvent simultanément. On renonce essentiellement à l’extérieur. Le désir tourne à vide sur lui-même. Comme au Carmel, les nonnes doivent traverser tout l’ennui du monde et même renoncer à toutes les idées saugrenues de grâce qu’elles aient jamais pu imaginer ou fantasmer. Par la suite, le fruit est mûr, se détache, tombe à terre et sa gangue éclate. Alors, on voit le noyau, l’éternité d’un simple noyau.