
Si l’ennui a un cœur, c’est bien là qu’il faut se rendre. Car l’élan qui crée l’agitation pour s’en enfuir est vain. Ce n’est pas là la vraie vie.
C’est un tout petit chemin, peu engageant, bordé de ronces, de mures, de prunelles et de gratte-cul, dans lequel à nouveau je m’engage pourtant, dans cette campagne bourbonnaise à la fois si détestée et tant aimée.
L’ennui qui me tombe dessus comme autrefois n’a rien à voir avec l’ennui. Car autrefois c’était bien plus une affaire d’avenir. Qu’allais-je donc faire pour entrer dans la danse ? Pour rejoindre le troupeau ? Pour participer au concert ? Pour être heureux comme on se doit de l’être pour honorer père et mère, le bon dieu et tous ses saints ?
La lourdeur du ciel gris s’appuyant pesamment sur la rotondité des collines au loin ne présageait rien de bon pour ma tranquillité personnelle. Inconsciemment, encore et toujours le père, la mère.
Je ne comprenais rien ce qui me dotait d’un don d’ubiquité fabuleux. La prophétie montait comme une source intarissable, chantée par les insectes, les hirondelles, elle s’inscrivait en griffures noires sur le tronc blanc des bouleaux, et je n’avais qu’à zoomer au cœur même de la confusion , pour en déchiffrer le message néfaste. Toujours le même ou à peu près.
Tu n’es pas bon à grand chose ni véritablement mauvais en rien.
Dans le fond des choses comprends la chose, t’es moyen. Moi yen, moignon, Moi rien, comprenais-je alors que je pouvais aussi être tout autant moyeu ou moyen de faire différemment ce que j’appris par la suite.
Et je me débattais dans une folie furieuse de mots clefs.
Amour améliorer amabilité amertume amarres amaryllis marre-toi
Cette fille en robe blanche qui surgit de son jardinet au crépuscule me rend fou, Je la veux, sans elle il n’y a rien d’autre, il n’y a que cet ennui. Sans elle je ne peux vivre, rien ne peut vibrer.
C’était là le véritable ennui. Un ennui peut tout à fait en cacher un autre.
Son cœur est plus froid encore que le mien c’est peu dire.
Ses baisers dépourvus de langue. Ses baisers vides comme les miens. Mais ma langue vide aussi, 1 point partout égalité.
Tout est vide et on fait comme tout le monde, on fait bien semblant d’y voir du plein.
Mais que sait-on vraiment de toutes ces choses lorsqu’on n’a que 15 ans, on n’en sait rien évidemment.
J’ai mis le doigt dans une brune par dépit, par malheur, par vengeance aussi.
C’est assez dégueulasse au début. Un doigt qui touille de la bave d’escargot ou de limace, un doigt abruti par la découverte d’une anatomie étrangère. Pas de Gameboy à l’époque dont je vous parle, juste des flippers sur lesquels on commence à s’exercer au Game over.
Le dégout mène à l’ennui aussi, à cet ennui qui n’a rien à voir avec l’ennui le vrai.
On croit obtenir quelque chose, on ne sait quoi, un bon point, une image surtout et on a les doigts poisseux c’est tout.
— Parle-moi d’amour juste un tout petit peu pour que tout ça passe un peu mieux, soupire t’elle.
J’ai toujours été nul aussi de ce coté là. Je veux dire que j’en parle tellement bien, j’ai tellement lu de romans à l’eau de rose que c’est devenu un programme, un vrai show, j’appuie sur le bouton et je laisse défiler. Je déconnecte ma cervelle et je m’y perds éperdument.
Alors que je pensais, j’espérais, je me faisais cette idée que l’amour vrai pouvait exister vraiment. Car il n’y a pas de fumée sans feu nom de Dieu n’est-ce pas ?
Mais faute de grive on broie du merle.
J’étais plus celui qui aime l’idée d’aimer qu’aimer tout court.
Je ne sais qu’en parler. Je ne sais qu’imiter surtout ceux qui imitent d’autres qui en parlent.
Je me demande même si je n’ai pas parlé d’amour uniquement pour me venger de ne jamais parvenir à aimer vraiment. Me venger de qui de quoi, allez savoir…
Cela fait souffrir aie aie aie.
Mais tout bien peser la souffrance aussi est une sorte de reflexe pavlovien, rien que de l’imitation aussi, du mimétisme. Il y a aussi une différence notoire entre s’imaginer souffrir, et souffrir pour de bon.
Le mieux pour distinguer et de se taper un bon coup sur les doigts avec un marteau.
Alors qu’en fait, à part ça je veux dire, j’aurais vu le ciel autrement, et les collines aussi et toute cette joie, tout ce désir ardent qui se loge au fond de l’œil, à la surface de l’épiderme sitôt qu’on change de mot, oui , sitôt que l’on octroie à l’ennui l’inouïe possibilité d’avoir du cœur, et que l’on finit par découvrir que ce cœur c’est le tien, c’est le mien.
Lorsque je peins, lorsque je m’oublie, c’est dans ce que j’appelais l’ennui autrefois que je pénètre, et qui ressemble à une transe à l’envers de ce qu’on imagine toujours qu’elle soit. Le fruit de cet abandon, la toile recouverte de peinture aussitôt que je recouvre mes esprits ne me dit pas grand-chose, à part l’étonnement souvent. J’ai très peu de temps pour voir qu’il s’enfuit déjà dans le labyrinthe des jugements, des pensées, des opinions. Que je m’y perde à nouveau entièrement.
Voici des mots que j’aurais voulu exprimer. Je peux me reconnaître dans ce texte.
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Oh merci Joël ! je ne suis donc pas fou, ou alors nous sommes plusieurs à l’être de cette façon là 😉
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Inutile d’aller consulter, c’est fait !
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