
Je ne capte rien. Très bien. C’est vrai que ce cours sur la perspective est loin d’être facile. Toute cette théorie a ingurgiter, sans doute abstrait pour les jeunes de 9 à 14 ans. Pas plus accessible chez les adultes d’ailleurs. Ne rien capter aux concepts de ligne d’horizon, de fuyantes, de cône de vision , c’est assez normal présenté au tableau. Beaucoup me diront que c’est des maths, de la géométrie, matières dans lesquelles ils rencontrent toujours des difficultés. Je me demande si je n’ai pas hérité de tous les cancres anciens ou actuels dans ces ateliers du mercredi. Ou bien je me remets en question, peut-être que je n’explique pas bien. Trop compliqué.
Je pourrais me demander aussi pourquoi cette année j’ai décidé d’expliquer quasiment de façon scientifique la perspective à mes élèves. Pourquoi ce changement. En général je ne donnais que quelques indications quand un dessin, une peinture ne tenait pas debout. J’essayais de laisser du temps à l’œil de trouver sa justesse.
En fait je crois que ça part du constat qu’on ne sait rien voir sans fixer un point dans l’espace. Que cette relation avec les êtres les objets les choses est toujours plus ou moins basée sur cette fixité. Et qu’en ce moment mon regard a plutôt tendance à ne se poser sur rien de fixe. Disons qu’il suit continuellement le mouvement, qu’il ne s’installe pas dans l’illusion d’une perspective justement. Et comme je suis contradictoire, paradoxal, j’ai envie de pousser à fond les limites de la perspective. Là où je peux le faire. En dessin. Pour montrer comment nous sommes tous conditionnés, bernés par celle-ci. Comme s’il s’agissait de faire visiter une cellule dans laquelle peu connaissent l’étendue, les limites…
Étendre cette réflexion à quantités de choses serait facile. Comme par exemple une consigne proposée dans un atelier d’écriture. Un objectif quelconque à atteindre. Dans le fond toutes ces idées qu’on ne cesse de s’inventer, souvent seul, dans lesquelles aussi l’on finit par s’enfermer.
À côté de ça j’entends aussi cette injonction de la 3D. Comme ce serait « cool » d’y arriver. Tout cela relayer par les écrans. Par exemple ces nouveaux dessins animés que l’on diffuse aux gamins. Il y a du volume, des textures , mais je n’y vois surtout que beaucoup de froideur. Compensée par les bons sentiments à l’eau de rose. Illusion totale donc.
Ne rien capter serait-il une défense inconsciente, une résistance finalement de l’œil, de la cervelle et de la main… une résistance naturelle chez certains, de plus en plus, contre cette forme de mensonge…