
Il est possible de mettre autant d’effort, d’énergie, de régularité, de constance à ne pas réussir quoique ce soit que de le réussir. La satisfaction qu’on en retire dans un cas comme l’autre est très proche. Et ce malgré l’aspect souvent effrayant avec laquelle surgit la satisfaction de ne jamais rien réussir. Elle vient à rebours de l’amertume comme la satisfaction de réussir provoque toujours chez moi après coup, après l’ivresse, la joie, une montagne de doutes. Peut-être qu’un esprit aiguisé verrait sans effort une relation étroite entre le doute et l’amertume. Une relation intime. Une relation comme il peut y en avoir une indéniablement entre la joie et le soulagement. Les ruptures sentimentales, notamment, enseignent beaucoup sur ces relations sémantiques, si étranges apparaissent-t’elles aux profanes. Car malgré toutes les mimiques provoquées par la déception, la trahison, la colère, le désespoir, la rancune, le pardon, presque tout converge, si l’on reste vigilant, vers le soulagement. Se libérer de l’attachement à l’autre, à ce mensonge que l’on fabrique finalement et qui ne cesse d’alourdir chacun de nos pas dans le quotidien, n’est-ce pas un réel soulagement ? Certains rêves nous expliquent ce genre de boulet que nous traînons ainsi. Qui n’a pas été surpris d’avoir envie de s’enfuir d’une sale situation, de vouloir prendre ses jambes à son coup et d’être horrifié de ne pouvoir faire que du sur-place. Au réveil on ne se souvient jamais que de ce désagrément, cette amertume éprouvée. Mais si l’on arrive avec un peu de patience à reconstituer le rêve dans son entièreté on verra qu’après l’amertume il se passe autre chose. C’est dans ce moment étrange durant lequel nous effectuons le voyage de retour depuis nos territoires oniriques vers la veille que réside ce secret. Un secret dont notre personnalité ne veut surtout pas entendre parler. Sans doute parce qu’il n’est pas encore temps de le dévoiler tout simplement. Parce que le film n’en est qu’à la première bobine, que le réalisateur ménage son suspens.Possible que la terre bascule de temps en temps d’un pôle l’autre. Possible que nombre de phénomènes incompréhensibles pour l’être humain ne viennent que de là. Des inversions dont on ne sait si elles sont volontaires ou accidentelles. Cependant ce phénomène existe bel et bien nous le savons désormais. Que les choses, toutes les choses peuvent s’inverser. La réussite comme l’échec font partie du même mouvement qui crée les étoiles et les trous noirs. Pourtant ce qui nous empêche de changer notre point de vue, de l’inverser, ne change pas sur le même tempo que celui de l’univers. Nous sommes désespérément lents, balourds à saisir la subtilité des souffles de l’invisible car beaucoup trop obsédés par le visible et plus encore par le paraître. Il y a sur le fronton de l’église Saint-Merry à Paris, un personnage étrange sculpté par un inconnu. Beaucoup le confondent avec le diable ou satan. Sans doute que ce genre de statues est crée pour cela. Le commanditaire ne cherchant qu’à apeurer les ignorants pour mieux les gouverner, leur trouver miraculeusement des solutions à tous les problèmes. En fait rien à voir avec le démon. Il s’agit de la figure du Baphomet, ou de l’hermaphrodite si l’on veut pour résumer. symbole alchimique. La rumeur rapporte que les chevaliers du Temple vénéraient ce symbole et qu’en cela ils ne pouvaient être que diaboliques. La raison véritable est qu’ils avaient fini par devenir un état dans l’état, qu’ils étaient devenus gênant pour l’Eglise, et aussi que celle-ci toujours avide d’amasser des richesses lorgnait sur leur fameux trésor dont elle désirait s’emparer. Ici aussi les choses se seront inversées quelque part dans le temps. Ce qui est sensé guider s’égare, ce qui s’égare devient soudain lueur. Le mot Baphomet d’ailleurs est un terme provenant d’un très ancien système de codage arabe et dont les grecs connaissaient l’usage, pour l’avoir traduit en « Sophia » qui signifie la sagesse. Certains auteurs versés dans l’élucidation souvent oiseuse des traités d’alchimie attribuent à la figure du Baphomet celle d’Hermes, Mercure, enfin du grand maître des transformations et de la métallurgie. Nécessité étrange encore d’ajouter du compliqué pour créer un sentier difficile vers le simple. Pas sur le même tempo que l’univers c’est à redire, comme patauds et lourds, pas bien finaude notre humanité. Et en même temps n’est ce pas des défauts qu’on se souvient le plus, qui nous émeuvent tout à coup lorsque les êtres aimés ont disparu.