Se bloquer, se braquer, à ban donner, saut poser, se rat masser, se re croque vriller, s’enfouir, fuite, fuguer, ne plus rien vouloir savoir, détourner le regard, panser autre chose que ça l’impensable, paniquer, aller dans tous les sens à partir du point d’impact, circonvolutions alambiquées, l’esprit bat la campagne sans autre but que de battre la campagne, diverger, être paralysé simultanément le corps ici ou là, la tête ailleurs, faire attention impossible, humiliation éprouvée aussi comme réflexe, impression d’être idiot, de ne pas valoir tripette, s’en vouloir de ne pas être comme les autres qui comprennent au quart de tour, les détester pour exister tout de même, les réinventer pires encore qu’ils sont, et se réinventer en creux par la même occasion, se distraire pour oublier. Enchaîner les échecs. Perdre confiance, se mésestimer, se haïr, s’isoler, vouloir mourir. Manquer d’humilité. Être orgueilleux, prétentieux, vaniteux. Marcher à côté de ses pompes. Ne pas vouloir rentrer dans le moule.
Mathématiques. Changement brusque de l’arithmétique vers l’algèbre. Tant d’efforts effectués et puis soudain plus rien, tout cela ne servait à rien. Blocage. Impossible de se résoudre à l’algèbre. Une idiotie absolue et si soudaine. Une claque dans la figure encore. Pas la même que d’habitude. Pas préparé pour ce genre de claque. Celle-ci te met au ban. Te ridiculise. Ton orgueil en prend un coup. Tu ne peux pas montrer ta colère alors tu montres ta capacité à être idiot, une caricature de l’idiotie. Tu ne veux rien comprendre à l’algèbre d’autant que tu perçois qu’elle est un outil de tri, de sélection. Les intelligents d’un côté, la plupart du temps des gosses de riches, de l’autre les boulets fils ou filles de paysans ou d’ouvriers. Eux avaient encore une chance d’apprendre à compter, mais plonger ainsi dans l’abstraction algébrique ne fait pas partie de leur monde. Dans quel camps choisis-tu d’être, pas dans celui des riches. Tout leur est dû, la facilité en premier. Leur arrogance t’horripile. Leur naïveté aussi. Un ressentiment qui remonte à loin et qui surgit soudain en classe vers l’âge de 10 ans. Le refus de l’algèbre te permet de te ranger dans le camps des pauvres gens. Ce blocage débloque, même si tu n’en es pas conscient, un embryon de conscience politique. Tu ne peux pas généraliser comme ça non plus, c’est plus subtil. Certains appartenant aux camps des pauvres possèdent plus de rage que tu n’en as, ils s’accrochent, ils croient en la possibilité de devenir des transfuges. Peut-être se rabâchent-ils un désir qui lui aussi remonte à loin. Le désir de leurs parents, grand-parents, ancêtres qui eux aussi crûrent à l’école comme vertu républicaine. Comme vecteur d’ascension sociale. Ils sont pires que les riches, des traîtres mais déjà tu comprends leurs raisons leurs motivations. Simplement toi tu ne veux pas trahir. Tu veux rester soudé à une idée d’injustice que tu ne cesses pas d’entretenir car trop proche de l’injustice qu’est ton quotidien. C’est l’époque où tu lis la case de l’oncle Tom. C’est l’âge ou tu acquiert tes valeurs par les livres uniquement. Tu ne crois déjà plus à celles de la famille, de l’école, de la société toute entière. Partout où se pose ton regard tu ne perçois qu’hypocrisie, mensonges, trahisons, injustice. Lâchetés et fourberies. Alors le recours aux blocages en maintes occasions, et toujours l’idiotie. Tu finis par te dissimuler derrière cette stratégie pour finir par ne plus savoir qui tu es sauf cet idiot. C’est la primo création d’un personnage. L’idiot qui te permet d’observer encore plus attentivement la violence sans être touchée par celle-ci de plein fouet. Puis pour survivre malgré tout l’invention d’un second personnage, l’imitateur. Parvenir à imiter à la perfection le normal que tout le monde s’attend à voir. Rôle souvent intenable mais tu sers les dents et tu tiens. Face au monde tu tiens bon, quitte parfois à avoir recours à l’idiotie quand les choses se mettent à dérailler. Quand tu devines qu’ils devinent que tu n’es pas si normal qu’ils le voudraient. Dans la cour de récréation le jeu de chat, les gendarmes et les voleurs, les cow-boys et les indiens. Toujours du côté mineur. L’image de l’opprimé qui renforce celle du fort. Et le mépris creuse de plus en plus profond son sillon en toi.
Avec les filles d’abord puis les femmes plus tard memes blocages. L’amour et les contingences ne font pas bon ménage. Tu es horrifié lorsque le maquillage dégouline, que leurs masques tombent et qu’elles ne cessent d’avoir à la bouche elles aussi le mot normal. Ce n’est pas normal le plus souvent. Une autre planète alors que tu pensais à chaque fois toucher la terre natale. L’inquiétude, la peur, depuis lesquelles toutes leurs actions et leurs pensées se tissent sans parler du confort qu’elles ne cessent de briguer comme les araignées les mouches captivent de leurs filet. L’amour ce n’est donc que cela, une aptitude à accepter les contingences pour rendre l’autre heureuse, paisible, épanouie parce qu’entourée de gadgets, par la chaleur d’un foyer, par tous les symboles d’une vie dite normale ? Toi tu rêvais de passion, d’étreintes, d’étancher de si vieilles soifs, regarde un peu ou tu en fus tout à coup pour essayer à chaque fois dans d’ineptes géométries de recomposer tes rêves… comme les fleurs la passion des femmes, que viennent l’abeille puis le bourdon, que le pollen voyage et c’est à peu près tout. quant à leur conscience politique elle s’arrêtait souvent en ouvrant la porte d’un réfrigérateur vide. Aux factures impayables, et ces sourires qui se dessinaient sur leurs visages pour attendrir les huissiers. N’as tu pas prononcé le mot chienne dans ton for intérieur à ces moments là, n’as tu pas aussi été ébranlé de toutes ces fragilités humaines. pourtant blocage encore. Malgré cela tu n’as pas obtempéré. Tu as souvent préféré partir quand tu les voyais si malheureuses de vivre avec toi. Alors bien sûr l’idiot prenait la place de l’imitateur. Et dans l’idiot tu découvrais aussi un autre personnage qui s’y dissimulait, le cruel, l’irascible, le têtu. En cas de tragédie ultime, quand il ne restait guère plus que ruines. Et tu en éprouvais un indicible soulagement à chaque fois. Comme si dans ces affaire de duo de couples tu t’étais égaré par faiblesse et que tragédies, drames, cris et pleurs n’avaient eu de cesse que de redessiner finalement ton chemin. Peut-être pas encore assez nettement puisque tu as recommencé de nombreuses fois la même comédie.
Devenir le paria, assez proche dans ton esprit de l’ange déchu. revisite encore une fois l’image et l’idée. Ce blocage vis à vis d’une autorité quasi divine qui ne voudrait installer ici-bas que le meilleur des mondes mais qui ne se bâtit que grâce à la violence, au désespoir, au profit et dans le meurtre. S’écarter de cette mise en scène débile , cette comédie souvent burlesque à force de ne plus pouvoir en vomir ou d’en pleurer. Paria par amour d’une autre possibilité d’humanité comme d’une autre possibilité d’accéder à la poésie mathématique. Cela te semble bien naïf désormais. Une fois toutes les naïvetés traversées surtout que reste t’il encore comme possible sinon l’invention d’une naïveté encore plus grande que te propose l’écriture. Une naïveté qui ne dérangera personne. Car répète-le sans relâche : qui accorderait de l’intérêt de l’importance à ces textes qui pour toi sont devenus ta respiration. La naïveté et la respiration d’un mort enfin conscient d’être mort parmi les morts.
L’humeur n’est pas de couleur arc-en-ciel. L’écriture en devient noire. Est-ce pour décourager le lecteur? Le café était -il amer? Bah pas de chance, j’ai lu chaque mot de ce concentré de raz le bol. Votre encre désabusée griffonne néanmoins des faits et des états sans papier cadeau, brut de chez pomme. N’est ce pas là le but d’une plume alerte comme la vôtre que de secouer les cerveaux endormis dans la guimauve du « on y peut rien, faut s’habituer »?
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Ce que la rage la colère dit en creux du personnage, pas toujours glorieux, peut-être ne s’agit-il que de tenter soi-même de se convaincre. Merci pour lecture et commentaires
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