générosité

Apprend-t’on a être généreux, je crois que non. Comme on n’apprend pas non plus à être artiste. On l’est depuis l’origine ou pas. Cependant que de posséder une pareille nature est souvent un fardeau, du moins si je me souviens encore de la jeunesse. C’est tellement rare la générosité vraie que parfois on se prend à douter de la posséder pour de vrai. Malgré les définitions données par les dictionnaires, dans lesquelles les autres ne cessent de clignoter, ma propre définition me semble fort éloignée du commun. Être généreux ce n’est certainement pas se plier en quatre pour les autres. C’est bien plus que quatre, et c’est en soi-même en premier lieu qu’on plie. Puis l’autre n’est pas un individu mais la vie toute entière et sous quelque forme qu’elle puisse apparaître.faire en toute circonstance contre mauvaise fortune bon cœur n’est pas de l’ordre de la naïveté passé un certain âge. Dans mon souvenir la naïveté consiste surtout à remettre en question le fait d’être généreux pour obtenir quelque chose en retour. Parvenir enfin à être généreux comme il se doit, pour rien, parce que c’est comme cela que l’on se sent au mieux, connecté à l’existence. Être généreux c’est être opportuniste dans le bon sens du terme, s’intéresser au moindre événement non par profit ou intérêt mais seulement pour lui donner une importance. Refuser coûte que coûte le banal et sa fatigue. Dire ce que l’on pense quand on le pense et qu’importe la réception, au diable les calculs les stratégies, les intérêts.

Enfant on ne sait pas vraiment que faire de cette générosité , elle paraît tellement naturelle que l’on a du mal à saisir pourquoi tout le monde ne bénéficie pas de cette qualité. Pire avec l’éducation, on la considère souvent comme une sorte de danger, de risque, un défaut. Pourquoi les gens ont tellement peur d’être généreux. Il semble évident que tout le monde l’ait été un jour tout au fond de soi. Mais sans attention, sans lutte pour la conserver elle finit par être semblable à un fossile prisonnier d’un morceau de résine, d’ambre, perdu dans un recoin obscur du cœur ou de l’âme.

La générosité n’attend pas de médaille, de récompense, car le seul fait de s’exprimer sans crainte est déjà sa récompense. Mais que de chemin à effectuer pour trouver enfin le sentier dont l’aridité parfois peut terroriser, afin de pouvoir continuer de plus en plus dépouillé à l’exprimer. Aucun doute que la générosité mène à ce dénuement comme à une étape obligée et sans laquelle elle s’offrirait au risque de s’admirer. Ici se produit la traversée du miroir avec encore l’angoisse de ne rien trouver au delà de celui-ci. Et évidemment cet effroi est un désir et le désir crée la réalité de ce néant désiré. Autre étape obligatoire, semblable à une mort vécue dans le vif. Dans l’obscurité, l’aveuglement total, la perte quasi absolue des pensés et des sens , plus rien pour s’accrocher, la générosité nous met encore une fois à l’épreuve, mais ce faisant elle nous guide nous enseigne à quel point tout ce que l’on pense être est illusion. Elle qui est tout fait de nous un rien, table rase. L’ennui, la solitude extrême constituent alors l’alliage de l’athanor dans lequel la transmutation peut enfin s’opérer. Dans cette étape la notion de temps n’existe plus. Dix ans, vingt, trente peuvent passer sans même que l’on s’aperçoive qu’ils passent. Une image de graine enfouie profondément dans le sol, une image de la patience et de l’attente sans rien attendre que ce qui de toutes façons arrivera. La fragilité et en même temps la magnifique force habitant la nouvelle pousse s’élançant au travers l’ombre aveugle, vers la lumière. Apte à crever en douceur tout obstacle même le béton, l’asphalte des villes. La générosité de la mort comme de la vie ne font qu’une et l’on en prend conscience. Cependant que le monde n’a pas changé d’un iota. C’est toujours le même monde. Le monde qui s’effraie à chaque instant de ce qu’il peut perdre ou gagner pour tenter exister. On comprend sans doute d’autant mieux la douleur du monde, son recours à l’ignorance, à la violence et la solitude de tous ces êtres vivant la séparation que l’on a du traverser soi-même la peur toute entière comme un rêve nocturne et ce par générosité car rien d’aussi puissant ne saurait le permettre.

Apprend t’on à être généreux je crois que non, ce ne peut être une intention de départ mais simplement un constat que l’on construit peu à peu. Au début de bric et de broc et que le feu de la générosité se charge de sculpter de polir avec les années.

Et dans cette logique, ce manifeste, une question encore comme une nouvelle étape à franchir. Lorsqu’on observe comment certains usent de la générosité pour leur intérêt personnel, comment ils trompent les autres, deviennent des gurus, asservissent les autres au lieu de les rendre libres. Difficile de ne pas s’insurger presque aussitôt et frontale ment contre de telles déviances envers la générosité, difficile de supporter sans broncher ce que l’on peut considérer comme une insulte à l’intelligence de la vie. Peut-être est-ce encore un pas de plus à franchir, cette fois du côté de l’ésotérisme, se laisser pénétrer par l’intuition que c’est encore un effet de la générosité que de l’accepter le plus calmement possible. que l’infini de la générosité ne peut se prolonger que par chaque achèvement égoïste. Que l’égoïsme comme l’ignorance, sont les briques d’un monument s’élevant sans relâche vers l’altitude infinie du rêve, un rêve, ce rêve que rêve la générosité.

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