Texte de fiction. Inspiré cependant par des faits avérés, notamment les souvenirs persistants très précis voire documentés de vies antérieures que l’entité qui s’incarne en ce que je suis aujourd’hui réactualise peu à peu. S’ajoute aussi des lectures plus contemporaines notamment quelques ouvrages d’Annie Ernaux ayant obtenu récemment le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre.
La honte éprouvée comme habitude, et à laquelle on finit par ne plus faire attention. Un état si habituel qu’il devient l’ordinaire du moi. Cette sensation permanente d’imposture. C’est avant tout de la colère si ma mémoire est bonne. Donc de la peur. Soit une émotion insupportable mais supportée d’être ou de ne pas être reconnu essentiellement pour ce que l’on imagine être, jamais pour ce que l’on est vraiment. De la peur, de l’imagination. Et plus encore un défaut de croyance en une réalité, en un optimisme, dans la vie. Le pessimisme accompagnant toujours cette honte et qui toujours nous fait voir les choses en noir. Qui ne s’oriente que vers le pire comme plausible. Défense dérisoire de l’orgueil blessé qui ferait tout pour ne plus éprouver la douleur, la prévoyant ainsi comme donnée systématique. Cette stratégie enfantine qui ne prend pas de recul et donc persiste encore à l’âge adulte. La honte défaut ou qualité typiquement humaine. Fabrication à partir de l’anticipation une armure. Directement issue du principe féminin, de la chair, du mouvement de la vie corrompue par cette propension au fragile qui agite anime l’humain. Aucun os aucun roc ne saurait éprouver de honte. Mais aussi dont l’intensité est plus ou moins variable, cuisante, selon les circonstances les rencontres les opportunités qui la ravivent, la nourrissent, l’entretiennent comme on entretient un animal de compagnie, un pet ou un hobby. La honte comme prise de conscience d’un déséquilibre, d’une erreur, d’un péché qui ne nous est pas forcément attribué directement. Un héritage dont on aurait oublié que son origine nous dépasse de tant de générations passées d’hommes et de femmes. La honte comme un fardeau dont on prend en charge, accepte le relais, de l’endosser pour d’obscures raisons qui n’en sont pas vraiment mais, semble t’il, toujours éminemment justifiées justement parce qu’elles n’en sont pas. Peut-on évoquer la honte sans aussitôt la réprimande ? Faire honte à son prochain ou à soi-même c’est ouvrir cette porte sensée indiquer la notion de droit chemin et indiquer à l’autre ou à soi l’écart parcouru de s’en être écarté. Chez nous autres juifs il est tout à fait interdit d’être en relation avec la honte. De même qu’en tant que Prêtre de haut rang je ne peux en aucun cas être au contact des morts ni de la défaite. Du moins cela aurait dû être ainsi avant que je ne sois excommunié. Mes souvenirs de ce qu’est la honte proviennent cependant d’ avant ma déchéance, que je ne dois qu’à la grande curiosité. Mais ceci est un autre histoire, je ne suis évidemment pas en train d’écrire ce texte pour parler de moi, mais de la honte. On peut néanmoins réprimander son prochain ou soi-même mais jamais sur le ton provoquant la honte. Faire honte publiquement à qui que ce soit, y compris soi-même, est un péché qui nous interdira toute félicité du monde futur. La honte est donc considérée comme un vice. On peut réprimander mais il est interdit selon le RAMBAM ( chapitre 6 du livre des tempéraments) de se gratter jusqu’au sang. Et c’est tout à fait logique étant donné l’irrépressible optimisme qui nous entraine nous autres, enfants du pays de Sem à toujours choisir la vie plutôt que la mort. La mort est ce mensonge que l’optimisme doit combattre jusqu’au dernier souffle afin que justement ce dernier souffle s’ouvre vers encore plus de vie et ne jamais parvenir au néant. Il n’est évidemment pas question de prêche au travers de ce texte. Aucune nécessité de ramener sur le droit chemin ceux qui depuis l’origine et même l’au-delà de cette origine ont choisi délibérément de s’en écarter. Ils ont leurs raisons toutes aussi respectables que peuvent être les miennes d’avoir choisi de naître juif.
Il y a une autre raison à considérer la honte comme une erreur lorsqu’on ne peut plus se tenir dans l’ignorance de ce qu’elle est véritablement c’est à dire ni plus ni moins qu’un jugement. Et le danger est plus grand encore lorsqu’on ne l’ignore pas. Car le jugement s’effectue toujours selon la prise en compte d’un contexte dans lequel celle ou celui qui faute mesure ou non le périmètre de sa conscience de l’erreur. Il y a deux sortes d’erreurs, celle issue de règles que l’on connaît et celle issue de l’ignorance de telles règles. Le niveau de jugement se doit d’être adapté à cette conscience individuelle des règles. C’est pour cela aussi qu’il ne sert à rien de réprimander avec insistance, de réprimander plusieurs fois pour une même cause. Dans l’insistance la réprimande ne peut porter de fruit, elle ne peut conférer la connaissance complète et exacte de son erreur à l’autre ou à soi-même, juste un à priori, un savoir partiel et donc la réprimande trop appuyée ne fait que causer plus de tort encore. Comprendre partiellement une erreur c’est augmenter la douleur lorsque on la répète sans pour autant l’éradiquer. La honte est typiquement une erreur que l’on ne cesse de répéter et ce plus on prend conscience de l’écart qu’elle creuse avec l’image d’un droit chemin que l’on ne peut qu’apercevoir que partiellement aussi. Une autre chose à propos de la réprimande et de la honte est la notion d’irrémédiable sitôt qu’elles traversent la sphère privée pour attendre la place publique. Il est clairement dit qu’à partir de 10 personnes pour assister à une réprimande nous sommes dans la sphère publique. Je n’expliquerai pas en détail ici la raison du nombre 10 qui n’est pas du tout arbitraire mais fait principalement référence au Minian, l’attribution du nombre 10 pour prier et avoir une chance d’atteindre la kedousha ( sommet de la liturgie, moment où l’être humain devient ange ) 12 envoyés par Moise dans le désert et dont deux revinrent victorieux, au 10 jours de Techouva ( pénitence)
voici donc quelques souvenirs d’un enseignement reçu il y a fort longtemps et que j’ai dû oublier pour le réapprendre de multiples fois afin qu’il pénètre chaque fois un peu plus l’essence des créatures dans lesquelles je me suis incarné