
En peinture, l’exclamation de dépit : ça ne ressemble à rien.Un aveu. Cela peut surgir n’importe où, n’importe quand. Le prévoir. Trouver aussitôt la bonne réplique. Du tac au tac. Pourquoi voulez-vous, veux-tu absolument que ça ressemble à quelque chose, par exemple. Ce qui me fait penser aussitôt, à la presque homonymie, le mot rassembler.
Ressembler-rassembler.Et aussi l’utilisation du pronom démonstratif ça.Une utilisation que l’on s’autorise soudain dans ce que le dictionnaire Larousse nomme une langue non surveillée. Ainsi on ne surveillerait pas son langage, on lâcherait prise ( ça arrive ) on s’exclamerait ça ne ressemble à rien. faut-il donc une impression d’être en confiance, dans une intimité pour dire ça. A qui dit-on ça. Qui dit ça à qui. Et depuis quelle impression d’appartenance, quelle sensation de se trouver rassemblé contre ce qui ne ressemble à rien. Contre cette idée qu’une chose puisse se dérober ainsi, nous échapper. Et ressembler à quelque chose ce qui rassurerait, pronom ou locution pronominale indéfinie en quoi se sentirait-on rassuré de passer ainsi d’un indéfini à un autre. En passant ainsi d’une chose à une autre finalement comme d’un camp à un autre. Une autre réplique que j’utilise quand je suis fatigué d’entendre toujours le *ça ne ressemble à rien* c’est tant mieux ça t’appartient vraiment ce qui est une forme de compliment. La plupart du temps assez mal interprétée par l’autre que son obstination à se rassembler à aveugle généralement. On n’a pas toujours la force, l’envie, le courage d’expliquer en détail à chaque fois que la peinture n’a pas pour mission de ressembler ni de rassembler. Je prends le temps pour les nouveaux, et ensuite quand ça ressurgit, je botte en touche. Dans les expositions aussi j’entends le ça ne ressemble à rien. Mais là je ne dis rien. Cela les regarde. Je veux dire que je compte sur l’écho, ou l’oreille interne, espérant qu’à un moment ou l’autre le son comme un boomerang leur reviendra. Qu’ils seront frappés par la grâce, que celle-ci les aidera à s’évader de la bêtise. Comme si l’être humain faisait des choses qui puissent ressembler à ce fameux quelque chose de rassurant… évidemment il y a toute l’histoire. Évidemment il y a les grands maîtres. Évidemment on nous impose une idée de la peinture depuis les bancs de l’école maternelle. Une idée de ce qu’elle doit être, comme de ce qu’elle n’est pas, ne peut pas être. Depuis près d’un siècle la peinture a pourtant changé, il y a eut beaucoup de remue méninges. Mais l’opinion publique générale reste quand même à peu près la même qu’au 19eme. On peut aujourd’hui conspuer l’art abstrait, l’art conceptuel, comme autrefois l’impressionnisme. Et la raison est toujours la même, c’est se rassembler contre. Car on ne peut de toute évidence se rassembler autrement qu’ainsi. Ce mot rassembler utilisé par les politiciens, il marche. Pourquoi ? Pourquoi ils n’utilisent pas *réunir* au lieu de rassembler… d’ailleurs l’union de la gauche ce n’était pas une mauvaise idée à une époque. Sémantiquement ça impliquait une vision différente que de se ressembler les uns les autres.
« Qu’ils seront frappés par la grâce, que celle-ci les aidera à s’évader de la bêtise » Autant je souscris à l’ensemble du texte autant cette phrase là, ça passe mal, tellement ça tire du côté de l’élitisme. Ceux qui savent bien que ressembler à c’est hors jeu – dépassé réducteur cliché enfermant etc… et que ça ne vaut pas un kopek fasse à l’intime, au surgissement que l’informe révèle (appelle) de l’intérieur. Ranger d’un côté les bêtes qui n’y entendent rien de l’autre les éveillés ça ne fonctionne pas sauf peut-être à considérer que la bêtise est notre lieu commun et qu’incidemment – par surprise – une grâce décille… Mais, encore une fois, qui pour juger ?
(c’est une irritation souterraine et inaltérable – ne supporte plus les bien-pensants du bon art – la bonne culture et pas le faisandé qui traîne dans la gamelle des chiens – j’en suis tellement à la fois capable et victime !)
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Merci pour ton commentaire Jacques, ce personnage de peintre abuse, bien d’accord avec toi. Mais bon, il a sûrement besoin de ça, un mur contre quoi taper si ce n’est lui-même. Bonne journée
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