
Des tourmentes, la peinture en produit régulièrement Pour un petit moment de bonheur des avalanches de doutes. Il faut s’y faire. C’est un échange qui s’effectue, une histoire de vases communicants. On paie le prix sans broncher quand on est en forme, quand on se sent solide, quand on se souvient du deal. Quand on est plus vulnérable le trou de mémoire nous aspire. Régulièrement, la hantise du manque d’épaisseur de mes peintures revient. Je travaille souvent par couches fines, progressives, je tire la peinture à son maximum par dégoût du gâchis. Par économie aussi probablement encore que je ne me reconnaisse pas dans la typologie du radin. Peut-être est-ce plus de l’hésitation sans en avoir l’air. Un manque de confiance dans le geste qui pourrait se prolonger si la charge du pinceau était suffisante. Un empêchement. Mais en ce moment quelque chose est en train de changer. Le fait de m’abstenir de faire comme avant. De changer mon fusil d’épaule, de ne plus utiliser tous ces diluants me parait d’une part bien plus confortable, pratique, et, enfin, la matière vient naturellement. Sans pour autant gâcher. Je n’utilise pas vraiment des tonnes de peinture, beaucoup moins que si j’utilisais un couteau. Encore que ma pratique du couteau est très économe aussi. Le revers au final est ce manque de relief, de générosité de la peinture. Je ne sais pas si c’est un engouement passager ou une réelle trouée. Je fais des aller retour sans arrêt depuis que je peins avec le lisse et le rugueux, le précaire et la générosité, la couleur et le sobre. A chaque fois je me sens tiraillé par ces couples de mots. Mon côté lunatique, ou encore le refus obstiné de vouloir prendre une décision une bonne fois pour toutes. Je ne saurais vraiment le dire. En ce moment c’est donc la phase épaisseur. Mais ce que j’observe c’est une luminosité supplémentaire qu’il n’y a pas dans les tableaux « lisses » la lumière réagit autrement et ajoute comme une clarté indéfinissable à chaque nouveau tableau que je peins ainsi directement en pâte avec mon petit pinceau. Une clarté qui n’est pas du a l’ajout d’huile non plus, il n’y a pas de brillance artificielle. C’est à la fois plus brut, et plus lumineux. Plus quelque chose. C’est vers ce plus quelque chose que j’éprouve le besoin de me rendre avec de moins en moins de moyen. Maigrir, me rédimer, pour enfin donner cette épaisseur à la peinture.