
« À quatre-vingts milles du côté du noroît, l’homme arrive à la ville d’Euphémie, où convergent à chaque solstice et chaque équinoxe les marchands de sept nations. La barque qui y accoste avec un chargement de gingembre et de coton appareillera la cale pleine de pistaches et de grains de pavots, et la caravane à peine déchargés ses sacs de noix de muscade et de raisin sec bourre déjà pour le retour ses bâts de rouleaux de mousseline dorée. Mais ce qui pousse à remonter les fleuves et traverser les déserts pour venir jusqu’ici, ce n’est pas seulement l’échange de marchandises que tu retrouves partout dans tous les bazars de l’empire du Grand Khan et au-dehors, mises en vrac à tes pieds sur les mêmes nattes jaunes, à l’ombre des mêmes rideaux chasse-mouches, offertes avec les mêmes soi-disant rabais. Ce n’est pas seulement pour vendre et pour acheter qu’on vient à Euphémie, mais aussi parce que la nuit, auprès des feux allumés tout autour du marché, assis sur des sacs ou sur des tonneaux ou bien étendus sur des piles de tapis, à chaque mot que l’on prononce – comme « loup », « sœur », « trésor caché », « bataille », « gale », « amants »– chacun raconte sa propre histoire de loups, de sœurs, de trésors, de gale, d’amants, de batailles. Et tu sais que durant le long voyage qui t’attend, quand, pour rester éveillé bercé par le chameau ou la jonque, tu te mets à faire défiler tes souvenirs personnels l’un après l’autre, ton loup sera devenu un autre loup, ta sœur une sœur différente, ta bataille d’autres batailles, en revenant d’Euphémie, la ville où s’échange la mémoire aux solstices et aux équinoxes. »
Extrait de Les villes invisibles, Calvino, Italo
ce qui aussitôt me fait penser au mot châtaigne. Depuis combien d’années ne suis-je pas allé en ramasser. Je crois que la dernière fois c’était il y a plus de dix ans, dans le Beaujolais, à Ville-sur-Jarnioux. A moins que ce ne fut des noix… oui tout compte fait c’était des noix, nous en avions récolté un sacré paquet pour faire du vin. Mais alors les châtaignes… quand ? Je me souviens en avoir acheté un cornet l’hiver 1982 au marché aux puces de la Porte de Clignancourt. Succulentes dans mon souvenir d’autant qu’à cette époque je devais être seul, que j’ai du m’enfiler le cornet tout entier. Chose qui dans mon souvenir ne s’est plus jamais reproduite par la suite. Soit je ne tombais sur aucun marchand de marrons chauds- tiens des marrons maintenant- soit je n’étais pas seul et j’ai oublié les autres cornets. À Lyon je n’ai jamais acheté de marrons chauds. C’était plutôt des pralines grillées… mais jamais seul, avec les enfants certainement. Mais où donc ai-je ramassé mes dernières châtaignes… probablement dans les bois qui entourent le château de Fremont, dans l’Allier. C’était chasse gardée évidemment mais justement elles avaient ce petit goût particulier de l’interdît, comme les ceps, les bolets les girolles que l’on récoltait abondamment entre septembre et octobre, parfois même début novembre. On partait tous les deux ma mère et moi. En mobylette, une bleue comme on disait. S’enfoncer dans les bois avec la trouille d’être aperçus par le garde champêtre ou le seigneur présumé des lieux. Châtaigne c’est aussi le nom d’un coup de poing, je vais te flanquer une châtaigne. Mon père disait des choses comme ça, comme les hommes alentour en général ou encore un marron. Ceci expliquant cela.
ce qui aussitôt me fait me demander si ça veut dire qu’on peut se ramasser une châtaigne…
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Tout à fait Caroline et même on peut se le faire en solo en mettant les doigts dans une prise électrique
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