Sans forme ni figure

Chaos jaune

« L’homme qui voyage et ne connaît pas encore la ville qui l’attend sur sa route se demande comment seront le palais du roi, la caserne, le moulin, le théâtre, le bazar. Dans chaque ville de l’empire, chaque édifice est différent et a une place particulière : mais à peine l’étranger arrive-t-il dans la ville inconnue et jette-t-il un regard sur cette pomme de pin de pagodes, de mansardes et de granges, suivant les capricieux dessins des canaux, des jardins et des tas d’immondices, que tout aussitôt il y reconnaît les palais des princes, les temples des grands-prêtres, l’auberge, la prison, les bas-fonds. Ainsi – dit-on – se confirme l’hypothèse selon laquelle tout homme a dans sa tête une ville qui
n’est faite que de différences, une ville sans forme ni figures, et les villes particulières la remplissent. »

Extrait de
Les villes invisibles
Calvino, Italo

Si on remplace la ville par la peinture n’est-ce pas la même chose. Tout peintre a dans sa tête une peinture qui n’est faite que de différence, une peinture sans forme ni figures et les peintures particulières, celles qu’il voit en dehors de lui-même, y compris ses propres productions, la remplissent. Par bonheur la plupart des peintres sont inconscients de cet état de fait. Mais il suffit d’être soudain mis en relation avec cette découverte, de découvrir la présence en soi de cette peinture sans forme ni figure pour que la série des catastrophes s’enchaîne. Et qu’est-ce que la catastrophe sinon la mise en place obscure, la plupart du temps, d’une série d’actions contradictoires menant au chaos. La destruction d’une idée d’ordre, de logique, qui mène toujours au même résultat. La question qui pourrait alors venir, mais on peut l’anticiper, l’ordre existe-t’il avant le chaos, un ordre qui n’a rien à voir avec ce qu’on nomme communément l’ordre, avec ce que moi en tant que peintre je nomme l’ordre, ou bien le chaos n’a t’il aucun ascendant, aucune cause.

La Tora donne une réponse dans le livre du commencement, le Bereshit. Mal traduit en latin et encore pire avec Louis Segond. Au commencement etc… non. Il y a déjà eut quelque chose avant ce commencement. non le chaos, un autre ou plusieurs commencements, mais qui, pour des raisons impénétrables, en provoque d’autres encore et encore.

L’écriture par exemple telle que je l’appréhende au même titre que la peinture nécessite d’aller ainsi de commencement en commencement. L’infini nécessite d’aller de la même façon. L’infini une longue chaîne de commencements qui s’achèvent sur de nouveaux etc.

Idée de titre pour un recueil: « le livre des commencements »

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