
Bien placé au premier rang je l’écoute parler. Le débit est rapide, les mots simples, le tout sans phrase excessivement longue, des poses bien mesurées entre virgules et point. De tant à autre surgissement d’un point-virgule. D’une pose significative , suggérant la suspension, mais le contenu ne m’intéresse pas du tout. Nul besoin de comprendre le sens de ces phrases, du discours, du blabla. Je le regarde je ne l’admire pas. Il me fait mal. Tout mon corps se rebiffe en l’écoutant, de la chair à l’os du plus petit nerf au plus massif des tendons. Les mots en moi attaquent le corps comme des fauves. Ils ne le suppportent plus, les mots se révoltent se rebellent. Ils sont comme des bêtes sauvages. Quand à lui pensez vous que ça le gêne, mais pas du tout. Il se tient comme un surfeur sur la crête de cette putain de vague qu’il connaît, qu’il maîtrise. Aucune erreur. Aucune maladresse. Ce type ne doit pas être humain. Il s’agit d’un mutant ou d’un nouveau modèle d’androïde. Et je sais qu’il ment. Il ment d’une façon spectaculaire, éhontée, sans la plus petite trace de remords de regret dans le blanc de l’œil. Il se tient sur la couche la plus superficielle du langage. Il n’en démordra pas. En douce je sors mon portable pour ouvrir l’appli photo. C’est bien lui pas d’ambiguïté possible. J’attends encore un peu, le temps de numéroter mes abattis, puis je bondis de mon siège sur l’estrade et je lui tranche direct la carotide avec les dents. Son sang gicle sur mon visage chaud et épais, pression étonnamment ordinaire, normale du flux, si je prenais son pouls il n’excèderait même pas 60 battements par minute. Il me regarde légèrement étonné, ses lèvres continuent à balbutier quelque chose, il ne peut donc toujours pas s’empêcher de jacqueter même au moment de crever. Je l’écoute encore, je sais que ce ne sera plus très long avant qu’il ne la ferme définitivement.