Dans quelle mesure

Une expression qui revient souvent. La recherche permanente d’une distance adéquate. En peinture bien sûr c’est devenu une évidence de poser le chaos en premier lieu puis de se reculer pour tenter d’y déceler un embryon d’ordre à venir. Pour l’écriture je peine. Pourtant c’est à mon avis exactement la même chose. Lâcher sur le blanc tout ce qui vient, ça pas de problème pour le faire. Mais ensuite comment trouver cette fameuse distance pour déceler un ordre, c’est à dire souvent une amputation du superflu de l’inutile, ça j’ai du mal. Impression que si j’y touche je trahis quelque chose, une spontanéité que je place sans doute à un degré qui ne le nécessite pas. Un degré supérieur sacré pour moi. Ce sacré et ce moi si intimement imbriqués qu’ils ne parviennent justement pas à se détacher à prendre leur mesure. Autrefois quand j’écrivais sur mes carnets, c’était le recul apporté par l’écoulement du temps entre écrire et relire qui permettait, croyais-je, de prendre la mesure. Sauf que je ne corrigeais rien. J’éprouvais un malaise le plus souvent. Entre ce que l’on croit écrire d’intéressant et que l’on découvre banal par la suite. Banal ou bien qui indique trop la faiblesse, la maladresse, l’ignorance qu’on n’est pas en mesure de supporter à la relecture parce qu’encore trop attaché au moment, à l’imagination associée à une ambiance d’écriture. A ce personnage de narrateur que l’on s’invente aussi afin de se lancer dans le blanc. C’est sur ce point précis, la mesure, qu’il faut encore réfléchir. Se mettre à la place de l’autre, souvent un danger. Ou alors la fatigue de toujours écrire la même chose sous tant de façons différentes que l’on finirait par appréhender enfin cette chose, et partant l’ayant découverte se trouver enfin en mesure de la simplifier. Dans quelle mesure ai-je la sensation que cette simplification me coute. L’effacement serait-il toujours le prix juste à payer. Ou encore, autre solution, placer une confiance indéfectible dans le lecteur en n’imaginant aucun lecteur en particulier. Une confiance dans le vrai Soi. Qu’un ou deux seulement parviennent à découvrir toute la complexité vaincue pour parvenir à ce simple et je serai bien content je crois. Mais étaler mon mode d’emploi, mes empêchements, mes blocages peut tout aussi bien être utile. C’est aussi être humain plus qu’écrivain à proprement parler. Je retrouve soudain le même empêchement quant à l’objet froid que représente pour moi une œuvre trop polie, trop léchée, trop parfaite dans une grille de lecture où l’on a placée, une grille qui a tout bonnement inventé une telle perfection. Autrement dit , il faut qu’une œuvre me dérange un peu. Que ce dérangement me ramène dans une certaine mesure à son origine, sa source chaotique.

2 réflexions sur “Dans quelle mesure

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