
vivre avec cet appétit est peu commode car parasité sans arrêt par tout un tout en bloc difficile de discerner de quel vide celui-ci est constitué il n’est qu’apparence de quelque chose masquant le vide et c’est à peu près tout ce que l’on peut en dire rien
ne rien en dire n’éloigne pas la faim ni la flamme qui continue à brûler à maintenir en vie au contraire ne rien en dire semble aiguiser l’intention de le dire d’une autre façon que facile coulant de source dont on sent bien la fausse note aussitôt que ce genre de propos mécanique surgit en vain
une souffrance qui s’accentue d’autant que l’on maintient la plaie vive sachant désormais le danger du soulagement des croutes des cicatrices
l’oubli n’est pas le terme d’une souffrance mais une croyance dans la possibilité de l’éloigner de l’enfouir s’en détacher et on invoquera la nécessité du temps autre croyance baume ou pansement facile mais l’appétit du rien revient il revient plus fort encore balaie les châteaux de cartes les édifices les constructions toute la préciosité pour combler un mauvais penchant un écart pour tromper la faim tentative d’avance vouée à la ruine de vouloir couper cette faim comme on coupe un feu sur une peau irradiée
comme il faut avoir exploré l’au-delà de l’apparence pour la voir enfin pour ce qu’elle est la voir comme la vie puisque elle est la vie et de savoir toute vanité de l’expliquer
comme il faut aussi avoir cru en la culture en avoir été si souvent déçu pour la voir aussi pour ce qu’elle est un voile épousant les formes au plus proche d’un rien qui se meut tendrement sous elle le rien de la vie le rien de la mort mais un rien fécond étonnamment fécond au moment même où l’on abandonne l’idée d’en recueillir d’en posséder quoique ce soit.
le risque de se tromper et de confondre l’appétit du rien avec la séduction que propose le néant toujours présent jusqu’à ce qu’il s’évanouisse soudain participe à la création de ce mystère qui n’en est plus un mais qui pour autant n’assure de rien n’offre à saisir que fragilité vulnérabilité abandon plus encore
l’appétit du rien pousse à écrire des milliers de phrases vides dans l’espoir qu’une seule enfin ne soit pas vaine pour enfin parvenir à dire tout cela ne fut rien mais ce ne fut pas en vain et quand bien même rien de grave rien de tragique mais une feuille qui tombe au sol un oiseau qui chante à l’aurore le craquement du bois dans la charpente la respiration du chat qui dort la journée qui commence et la sensation bizarre d’être à égalité sur une ligne de départ ni plus ni moins