Périmètre du privé

atelier adultes / étude de matières

Que le privé possède un périmètre est une idée incomplète tant que l’on ne se pose pas la question de la mesure de celui-ci. Cette sensation d’effarouchement sitôt que l’on atteint cette frontière et le risque qu’elle soit enfreinte m’a abandonnée depuis longtemps déjà. Ou je l’ai abandonnée sans même en prendre conscience. Très peu de choses désormais de ma vie m’apparaissent comme étant du domaine privé, je crois que les temps veulent ça. Toutes ces informations que nous livrons à des algorithmes sans meme nous en rendre compte participent qu’on le veuille ou pas à cet effacement d’un périmètre autrefois considéré comme sacré ou evident. Quelque chose se sera estompé malgré nous, un flou désormais entre domaine public et privé. Il y a cette porosité qui a priori peut être effrayante si l’on en est conscient parce que l’imagination ne s’arrête jamais.

Au final si je devais établir la liste des éléments biographiques que je désirerais préserver, garder secrets ou sacrés et dont le signal d’une gêne m’inviterait temporairement à les vouloir conserver en cet état, cette liste serait succincte. Peut-être même me connaissant un peu mieux désormais, cette gêne serait-elle un terrain inédit et je relèverais aussitôt les manches pour me mettre en quête de l’explorer, d’en circonscrire les raisons, le pour et le contre, l’écrire et, au final, éprouver ce soulagement de m’en être débarrassée. Maintenant, ce soulagement est-il authentique comme durable, rien n’est moins sûr– une gêne en dissimule souvent plusieurs autres qu’on ne saurait voir si on n’explore pas la première, si on ne tire pas sur ce fil qui dépasse. Et puis il y a aussi cette relation entre le sacré et le profane désormais. L’obsession du scandale, comme une drogue toujours plus forte, le fait aussi de dévaluer peu à peu tout ce qui reste d’humanisme, d’humanité, à les tenir comme des curiosités, participant au pittoresque de la visite d’un zoo. Le fait que le profane ne s’occuper de pas autre autre chose que de profaner le sacré désormais, à seule fin de mettre en place bien sûr autre chose. Autre chose sans quoi il ne peut continuer à être le profane. L’argent, la réussite, la plasticité des formes mécaniques comme humaines, plasticité vide de sens ne faisant appel qu’aux instincts les plus bas. la jalousie, l’envie de posséder de paraître. Une élévation de personnalité toute entière crée souvent que pour la détruire mieux encore par la suite— justement grâce à un dysfonctionnement relevé dans la sphère intime ou privée. Du sans gêne à un certain degré là aussi.

Le but est-il de n’avoir plus aucune gêne. d’être sans gêne si l’on veut. Et ce n’est pas une expression innocente car beaucoup entendue dans mon enfance, dans l’adolescence et dans l’âge adulte. Être sans-gêne relève d’un défaut majeur. On n’apprécie que très peu les personnes sans-gêne. Mais évidemment on parle ici d’autre chose. On parle d’un dérangement. Et la récurrence de cette observation, son souvenir surtout me fait encore froid dans le dos. Si j’ai dérangé des personnes c’est sans doute parce que, de mon point de vue, elles n’étaient pas si bien rangées qu’elle désiraient le montrer. Et qu’en étant sans gêne à ces occasions je pensais certainement faire montre d’altruisme ni plus ni moins. Ce qui ne m’a jamais valu le moindre remerciement ajouterais-je. Mais n’étant pas en quête de gratitude non plus j’ai simplement effectué le constat d’avoir été trop loin parfois, d’avoir pénétré des sphères toutes aussi privées qu’imaginaires. ce qui m’aura permis de les étudier naturellement. Il fallait bien que mon sans gêne, mes erreurs servent à quelque chose sinon quoi.

L’amour est le lieu par excellence où toute gêne me semble incongrue. Mais bien sûr, encore faut-il s’entendre sur ce mot, l’amour. Je crois que toute gêne en ce domaine me fut comme le signal d’une corne de brume. La gêne à la fois comme signal de fausseté de tel ou tel amour et comme phare permettant à ma grande faim de liberté de ne pas se saborder.

Il y a autant d’interprétations de ce mot amour qu’il y a de personnes sur cette terre. Et chacune tenant souvent sa propre définition comme unique bien évidemment. Au bout du compte force est de constater que personne ne peut vraiment en donner une définition limpide qu’on ne puisse plus remettre en question. Pas même moi, si brave pourtant, à vouloir étudier les définitions. Sans beaucoup de résultat concluant d’ailleurs.

Ecrire c’est peut-être uniquement cela, une sorte de résistance naturelle qui consisterait à refuser de consulter un dictionnaire pour accepter sans broncher les définitions gravées dans le marbre de tous ces mots qu’on utilise sans y penser.

Il me semble qu’un mot comme tous sont intimement liés à l’expérience, bien plus qu’aux décisions académiques. Être sans gêne vis à vis de cette observation effectuée très tôt dans ma vie, fut une nécessité vitale. Un mot, sa définition commune me gênait-t’elle, aussitôt je la déposais sur l’établi de mes actes, de mes pensées, de mes émotions pour étudier ce qu’elle avait dans le ventre, apprendre enfin si cette définition collait avec mon ressenti. Si sa sonorité surtout n’était pas trompeuse. De tous les mots étudiés j’ai toujours un faible pour le mot amour bien sûr. Ce ne fut pas de tout repos.

Explosions en série littéralement des sphères privées. Un dynamitage en règle. Et pour trouver quel filon, sinon la plupart du temps du fer alors qu’on imaginait découvrir de l’or ou des diamants. La répétition réitérée de nombreuses fois prouve à la fois mon obstination mon endurance ma ténacité comme mon idiotie. Sans le savoir, le comprendre, s’attaquer à toute cette gêne correspond à une collaboration involontaire avec ce que je crois détester sans doute le plus désormais c’est à dire le consensus, l’air du temps.

Pas de gêne véritable à me confier ainsi sur mon ignorance, mes dérives, ma folie ordinaire. La honte ou la culpabilité ne serait encore qu’un emballage une apparence. il me semble que le privé authentique, l’intime, se trouve bien au-delà de ces apparences que l’on voudrait se dissimuler ou cacher aux autres ou à soi- même. L’intime le privé c’est le sacré à venir et j’imagine que son périmètre englobe déjà l’humanité entière sans même qu’elle n’en soit consciente. Rien d’extraordinaire cependant, rien de miraculeux, pas de sensationnel au sens où les médias interprètent la sensation. Non plutôt une humanité semblable de par son innocence congénitale à tout autre règne finalement. Une humanité nettoyée, une fois qu’elle en aura terminé avec ses hontes ses culpabilités considérées comme des trésors, un capital.

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