
Il va faire plus froid toute la semaine. Et cette pensée de froideur est déjà là dans l’atelier, elle est en toi. Ce que ton père a fait en Algérie n’est pas différent de ce qu’on fait tous les hommes depuis que la guerre existe. Qu’ils continueront à faire pour que la guerre subsiste. Que ta mère juive se jette soudain dans les bras d’un nazi, voilà ce qui peut résumer la froideur qui t’envahît. D’autant qu’elle ne s’y jette pas par amour elle l’avoue encore. Elle enfonce le clou encore plus profondément . Elle préfère dit-elle la sécurité qu’offrait alors ton père. Et tu peux bien l’imaginer dans mille circonstances de l’histoire tout à coup , dans ces moments si précaires où un choix s’imposerait pour conserver une intégrité une dignité, une humanité. Mauvais choix qu’elle effectue et d’une façon tellement systématique à chaque fois que c’en devient troublant. Ce qui la pousse ainsi à choisir les camps du pire tu l’ignorais bien sûr et tu la jugeais. Elle n’eut été qu’une tondue parmi les autres si elle n’avait été ta mère. Une faiblesse. Une béance. Un vide affreux. aussi affreux que celui dans lequel tu t’es engouffré croyant fuir ce vide. Et au bout de ces deux vides qui n’en font finalement qu’un, cette sensation de froideur infinie ne te fait pas fuir, au contraire. Tu te sens capable ce matin de la transformer en feu.