
La confusion dure quelques jours accompagnée de la déception qui la secoue car parvenir à Quetta par la ville nouvelle laisse l’imagination brutalement sur sa faim. Ce n’est guère qu’un ramassis de bicoques plus ou moins délabrées, une sorte de trou perdu à l’issue du désert que l’on vient péniblement de traverser après de multiples ensablements Ici règne une agitation fébrile, un tumulte incessant constitué par les voix hystériques des femmes hurlant dans des haut-parleurs, aux façades des baraques; une Babel musicale; car bien sûr aucune ne semble chanter la même chanson. Si l’on ajoute à la clameur la pétarade des pots d’échappement des rickshaw, des bus, des 4×4, et autres pickup, les coups de klaxons, les salutations interminables que les habitants ici semblent prolonger à l’infini comme des incantations, on peut se faire une idée assez juste de cette première partie de la ville tout du moins sur le plan sonore. Cependant si l’on comprend que cette monstruosité n’est que la façade offerte aux touristes pour dissimuler une toute autre ville, qui se situe à peine à quelques centaines de mètres de là, l’imagination retrouve alors toute sa vigueur comme une plante assoiffée à qui l’on vient de faire le don de l’eau. La Quetta d’origine, la vraie ville, est bien plus silencieuse, alors qu’ il y règne presque autant d’agitation mais chose étonnante le bruit de celle-ci parvient à l’oreille du voyageur comme amortie, atténuée tout à coup. Ou remplacée par les parfums que ses narines soudain dilatées y découvrent. Ainsi donc on peut dire que la ville est double comme est double la sensation qui subsistera dans la mémoire de tout voyageur digne de ce nom lorsqu’il la pénétrera, et ce quelque soit sa science à pénétrer les villes.