Le corps, la première fois

J’espérais qu’en tapant le mot clef première fois sur ce moteur de recherche, je tomberais sur autre chose que des expériences sexuelles, mais non, c’est ce qui revient en priorité, des pages et des pages de première fois où il, elle, m’a … etc. Pourtant il y a une multitude de premières fois dans une vie, des premières fois pour tout – et ce serait juste celle-ci que l’on retiendrait, aux dépens de toutes les autres. Alors je me suis mis à penser au corps, à ce qui l’anime désormais pour qu’il ne soit pas seulement ce corps dont l’expérience la plus importante, celle que l’on voudrait retenir avec cette étiquette, une expérience sexuelle. En même temps que la phrase de Kafka continue à effectuer sa progression, creuse de plus en plus de strates, met à jour des zones inconscientes. Je regarde par la fenêtre. il y a une autre phrase qui se superpose à la précédente: l’homme, animal à fenêtres Et naturellement la notion d’orifice surgit comme synonyme de cette fameuse fenêtre. Si le corps humain possède des orifices c’est pour que s’effectue un échange entre le monde et lui, ce de façon reflexive ; et ces échanges ne sont pas tous d’ordre sexuel. A moins que l’on ne veuille tout voir que par un prisme freudien, ce qui réduit les pistes de réflexion à une peau de chagrin. Qu’est ce que le corps sinon de la poussière et de l’eau, car c’est ainsi qu’historiquement son origine se raconte depuis la nuit des temps. On peut évidemment en rire tant la définition paraît à première vue archaïque. Mais probable que ce rire est une façon d’éluder quelque chose que l’on désire ne pas vouloir comprendre surtout en raison de l’importance de l’esprit qui règne aujourd’hui. L’esprit confondu avec le cerveau, avec une conscience se logeant dans ce dernier , ce qui est loin d’être une certitude. Ce qui est probable c’est que le corps, cervelle inclue, ne soit pas seulement une mécanique biochimique animée uniquement par une volonté personnelle et encore moins une volonté sexuelle. C’est bien plus un lieu situé dans l’espace et le temps, un lieu d’échanges et à ce titre il semble qu’il ne soit pas si different de cet autre lieu d’échanges qu’est la ville. L’esprit d’une ville, comme l’esprit d’une entreprise humaine quelconque, se loge t’il dans un cerveau, et où se situerait dans ce cas cet organe ? Il semble que tout corps se meuve se déploie avec d’une part une volonté consciente des entités qui l’habitent, mais aussi un certain nombre de buts inconscients sans doute bien supérieurs en nombre que l’on imagine. Et de plus au delà du conscient et de l’inconscient ne pourrait-on pas imaginer quelque chose d’autre, de plus supérieur encore qui serait l’âme. Encore un mot qui n’a pas une réputation favorable dans les milieux intellectuels contemporains. Mais peu importe d’être à la mode, il me semble qu’on ne saurait renier des millénaires d’expérience humaine à propos d’un tel mot, ce serait faire preuve d’une prétention, d’un orgueil, d’une ignorance, d’une solitude incommensurables. Maintenant j’y vois un peu plus clair grâce à toute cette obscurité perçue. Et coïncidence qui n’en est une qu’avant d’être saisie comme donnée logique d’un raisonnement qui se construit, ce chant du coq au matin que j’entend en écrivant ces lignes. Ce chant du coq toujours tellement le même, qu’il ébranle par l’ouïe tout l’espace et le temps. Il suffit juste de tendre l’oreille, cet orifice pour que ce chant pénètre à l’intérieur du corps, secoue toutes les molécules de poussière et d’eau mêlées et le ramène à un chant du coq primordial, à une origine. Et l’intuition soudain jaillit que ce ne soit pas la seule origine, c’est à dire la mienne, la toute première fois que mon oreille a surpris ce chant, mais elle fait référence à une mémoire bien plus profonde. Maintenant puis-je dire qu’il s’agit d’une mémoire de la poussière, d’une mémoire de l’eau, des deux éléments conjoints, ou encore d’une âme éternelle qui, par l’entremise de cette fenêtre de cet orifice qu’est l’oreille se souvient ? je crois que c’est encore plus fort ou fabuleux encore, un coq chante dans l’aujourd’hui et son chant me ramène en même temps au passé qu’il m’entraîne dans l’avenir. Donc par une simple connection attentive, peut-être une attention qui provient d’autre chose que seulement la volonté, conscience ou inconscience, il est possible de percer des murailles, d’accéder à une origine qui n’est pas un point perdu dans le temps, l’espace, mais une origine qui n’a ni commencement ni fin.

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