
Le fléau de la balance oscille encore un peu, mais la tare semble juste, peut-être s’agit-il de patienter quelques instants de plus pour que la pesée soit enfin lisible. C’est dans ce moment que tu regardes autour de toi les toiles accrochées aux murs de l’atelier. Elles sont dans une même attente de dénouement que toi. Parfois une impatience t’envahît et tu serait prêt à faire n’importe quoi pour t’en deliver. Prendre le plus gros de tes pinceaux et tout biffer, ou tout recouvrir de Gesso, tout recommencer encore et encore jusqu’à ce qu’une configuration magique achève enfin toute chose. Mais tu ne le fais pas, tu restes immobile au sein de l’impatience, tu fixes l’envahisseuse , la questionne sans relâche, comme un vieux sphinx mi grognon mi triste d’avoir laissé filer Oedipe. Tu pourrais aussi bien être une sirène après le passage d’Ulysse. Un dieu, une créature légendaire dépossédé de tout pouvoir. Comme si c’était cette voie exactement que tu avais voulu. suivre coûte que coûte pour voir, sentir, vivre, ce moment de suspens. Tu te souviens de Bernard Palissy, de son impatience, de ses meubles et tableaux brûlés, tu éprouves la sensation d’une petite victoire tout à coup, puis tu la répudies aussitôt.