
C’est une expérience assez semblable à celles vécues dans d’autres villes, et cette sensation de deja vu, de similitude est un danger pour le voyageur. Surtout parce qu’il croit pouvoir trouver comme toujours suffisamment de chances, d’opportunités, voire d’astuces éculées pour trouver son chemin aisément depuis l’aéroport jusqu’au centre-ville. Mais à la vérité il n’en est rien; et c’est en débarquant à la Havane que je m’étais soudain mis à me méfier des idées toutes faites que l’on transporte souvent malgré soi , d’une ville à l’autre. J’épargnerai au lecteur même si ce lecteur puisse sans doute n’être que moi-même me relisant, le nombre infini de méandres, de voies sans issue, de culs de sac que je dû emprunter cette nuit là, en vain, car exténué par le voyage, je m’étais garé sur un talus en m’apprêtant à y dormir, dans l’attente du matin. Juste avant de couper le moteur et l’éclairage du véhicule, une Lada russe, j’aperçus un léger mouvement à quelques mètres devant moi provenant de ce que je pense être des buissons. c’est alors que je vis traverser toute une colonie de crabes d’un bord à l’autre de cette route au demeurant déserte à cette heure tardive de la nuit. Ils devaient être plusieurs centaines, une véritable marée de crabes et par curiosité j’entrouvrais la fenêtre pour voir si je parvenais à écouter le son qu’il faisaient durant leur déplacement. Mais une brise légère devait pousser ce bruit dans un sens contraire au mien et je n’entendis que le cri d’un plaintif d’un oiseau- était-il de mer ou de terre je n’en sais toujours rien. Cette pause et ce spectacle cependant, m’avaient suffisamment fourni d’excitation ou énergie pour que je remette le contact, que j’embraye à nouveau et ce fut plus lentement que je me mis à rouler désormais; puis bientôt j’arrivais dans des zones peuplées de grands immeubles, ce que j’imaginais être une banlieue de la Havane mais comme il n’y avait aucune indication, aucun panneau il me fut impossible de m’orienter, impossible de savoir si j’étais désormais au nord, au sud à l’est ou l’ouest de la ville. Ce qui produit une impression étrange quand on se croit doté d’un excellent sens de l’orientation. Fort heureusement sur l’un des parking d’une de ces cités je tombais sur un petit groupe de fêtards et leur demandais la direction de la ville. Bien que leurs indications parussent claires au moment où je les reçus il me fallut encore deux bonnes heures et beaucoup d’égarement comme d’énervement pour enfin découvrir l’entrée de la ville ; du reste par une rocade tellement semblable à toutes celles que j’avais déjà empruntées auparavant, une rocade qui ne payait pas mine si je puis dire, qu’une fois encore un cliché s’envola. L’arrivée à la Havane peut s’effectuer ainsi non pas par une somptueuse avenue bordée d’arbres exotiques, mais tout à fait comme chez nous en France par une route au revêtement médiocre bordée de constructions fantomatiques dont les façades sont pour la plupart aveugles.