Le lecteur

Le lecteur lit ce qu’il veut, l’écrivain écrit ce qu’il peut. Entendu hier en roulant vers mes ateliers, une émission sur Borgès. De là à songer que chaque lecteur lit un texte différent…celui qui lui convient, il y a là un abîme qui rejoint tous les abîmes. Et si l’on introduit encore un paramètre, un livre qui serait lu plusieurs fois par un même lecteur au cours de sa vie, un seul livre pourrait constituer toute une galaxie issue de lui-même et de ces différentes lectures au cours du temps. Mais n’en est-il pas de même pour toute chose, tout échange. Et ces petites scènettes que la mémoire ne cesse de nous représenter, nous pouvons bien aussi les relire de cent façons différentes et contradictoires. Ce qui revient encore au problème de l’origine. Ce que l’on voudrait dire, le sait-on vraiment, dans toute l’étendue de ses implications passées ou futures, probable que non, on croit le savoir et cette croyance est nécessaire car sinon l’immensité des possibles anéantirait aussitôt tout effort de communication. Donc l’idée d’une volonté première de dire quelque chose dans un certain but ne reste toujours que du domaine de l’hypothèse. On ne travaille jamais que sur des hypothèses. Et si tout n’est qu’hypothèse pourquoi se soucier d’une raison. Cette raison peut très bien se découvrir en chemin du processus de peinture, d’écriture, elle n’a pas tant besoin d’être fixée en amont. Ce que je suis en train d’écrire là explique mes actions et mon manque de croyance en tout but. Lorsqu’un but surgit quelqu’il soit j’essaie tellement d’en mesurer les ramifications en amont comme en aval qu’au bout du compte je finis par m’intéresser plus à ces ramifications qu’au dit but. Les buts sont même interchangeables, ce n’est pas important; dans cette configuration se rendre à la Havane, à Quetta, à Sonora ne produit que très peu d’illusion sur ces destinations si différentes apparaissent-elles. Pour en revenir à la lecture, la réalité se lit aussi comme un gros livre, une encyclopédie, rien n’est figé dans le marbre et quelque soit la page sur laquelle on tombe elle n’est plus la même qu’hier et ne sera pas la même que demain, le livre se transforme en même temps que le lecteur. Si on parvient à vivre suffisamment longtemps on ne peut échapper à cette évidence. Et même un abruti s’il a la chance de vivre jusqu’à 63 ans ( par exemple ) peut avoir l’impression d’avoir lu tous les livres et paradoxalement aucun. Tout comme le fameux singe dactylographe s’il vit autant peut bien ėcrire le Quichotte, L’odyssée et s’imaginer être Cervantes, Pierre Ménard ou Homère. Au bout de tout ça qui a t’il ? pas un écrivain bon ou mauvais, pas un lecteur attentif ou non, il y seulement le mystère de la littérature dans laquelle tout le monde se réconcilie, ou est absorbé, englouti.

hier pour accompagner les adultes sur le thème de l’autoportrait un dessin rapide. A écouter les remarques de chacun sur la difficulté de se dessiner soi-même j’ai trouvé un logique au cheminement de la journée, logique probablement temporaire comme toute logique sur laquelle je tombe. Une logique qui viendrait directement de l’écriture ou de moi en tant que lecteur hésitant. Comme si justement l’hésitation était la seule autorité devant quoi je sois vraiment en mesure de plier, sinon m’agenouiller.

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