Pollution

Selon le budget c’est lui qui ,chez nous, commande toujours plus que le désir, on acheta la maison dans ce village entouré d’usines, au beau milieu du couloir de la chimie. A Peage de Roussillon. La municipalité nous offrit comme cadeau de bienvenue plusieurs boites de pastilles d’iode, la centrale de Saint-Alban du Rhône n’est qu’à quelques kilomètres de chez nous. Parfois, suivant la direction des vents, des odeurs nauséabondes nous obligent à refermer les fenêtres pour qu’elles n’envahissent pas notre salon, notre vie. Peut-on dire que nous avons choisi de venir vivre ici, nous aimons parfois à le penser mais à la vérité ce fut surtout une histoire de fric, à la mort de mon père nous héritâmes d’un viatique insuffisant pour demeurer aux abords de Lyon, à Oullins où nous étions locataires. J’avais démissionné d’un job qui me tuait à petit feu, suite à un burn out, je n’avais plus de ressources, sinon par l’entremise de quelques missions d’intérim , nous tirions le diable par la queue sitôt le 10 de chaque mois franchit, une fois que toutes les charges nous étaient passées dessus. Nos comptes bancaires étaient dans le rouge d’une façon chronique, on se faisait des allers retours tant bien que mal mon épouse et moi, comme des naufragés tentent d’écoper l’eau noire qui monte dans une chaloupe. La mort de mon père nous soulagea, c’est triste à dire. Bien que l’effet ne fut pas immédiat car la machinerie mise en place par la législation, la société, suite à un décès, est d’une lourdeur, d’une lenteur qui broie les nerfs. A moins que ce ne fut notre situation quasi désespérée, notre impatience à vouloir en sortir qui l’a rendit encore plus lourde qu’elle ne l’est habituellement. Il y eut des retards, nous dûmes attendre plus d’un an avant de vendre enfin la maison de Limeil et encore elle fut bradée bien au dessous du prix que nous avions escompté.Toute une année encore à patienter, à jouer des coudes pour ne pas sombrer. J’avais ouvert un cours de peinture dans le garage et je n’avais guère pu réunir qu’une petite poignée d’élèves. Enfin le bouche à oreille fonctionna et le nombre passa assez vite au dessus de 10, puis 15 et enfin n’ayant plus assez de place nous décidâmes de louer un local; ce furent des charges supplémentaires pour le rendre convenable et le loyer bien qu’important passa dans les charges de l’activité libérale car j’avais fait le nécessaire pour me déclarer comme professeur de dessin et peinture indépendant. Peu sur de moi, je ne demandais que 50 euros par mois aux élèves qui pouvaient alors venir à la carte dans ces nouveaux locaux, je fis un peu de publicité en distribuant avec mon épouse des publicités que nous placions dans toutes les boites à lettres de la ville, et bientôt , ce ne fut pas l’opulence, mais je parvins à me dégager un salaire approchant le minimum. A l’atelier nous travaillions essentiellement à l’huile, j’avais acheté tout un stock de tubes de couleurs à un magasin en faillite, et aussi un lot de toiles, pas loin de cent, j’avais de quoi voir venir. En y re songeant , cette année passa assez vite car je me rendais chaque jour à pied à mon atelier et y travaillais du matin au soir sans voir les journées passer vraiment, enseigner me plaisait, j’éprouvais cette sensation si agréable quand on ne l’a plus éprouvée depuis longtemps, celle de se rendre utile. Le problème de l’évacuation des produits utilisés pour la peinture à l’huile s’imposa assez vite. Je récupérais tous les fonds de whyte spirit, d’huile sales dans un bidon qui contenait autrefois du pétrole pour alimenter un poêle d’appoint et, une fois par semaine j’allais le porter à la déchèterie de la ville. Il n’était pas pensable d’évacuer tous ces produits hautement toxiques dans les toilettes du local -encore que je connais bien des personnes peu scrupuleuses qui ne s’en soucient toujours pas aujourd’hui. Je veux dire qu’une prise de conscience est encore certainement nécessaire quant à la responsabilité de chacun en matière de pollution. De plus, je ne le savais pas alors et je l’appris plus tard, ces produits peuvent être recyclés si on prend le temps d’attendre que les dépôts tombent au fond du bidon, si on les filtres correctement. Écologie et économie peuvent donc aller de paire. Je récapitule tous ces événements ce matin et surtout ces six dernières années où j’ai écrit comme un dératé sur ce blog. Le mot pollution me vient soudain à l’esprit aussi avec le constat du jour. Quelle responsabilité aurais-je oubliée en me laissant aller ainsi à polluer le monde avec tous ces textes. Et aussitôt l’image du naufrage, de la chaloupe reviennent ; on a beau essayer d’écoper d’un côté, de l’autre on se laisse déborder c’est inexorable. Et dans le fond je ne suis guère mieux qu’une de ces usines qui peuplent la vallée et polluent l’air ambiant. Et surtout le sachant désormais, qu’en faire ? Certainement retrouver ce vieux bidon, fourrer tout ça dedans, patienter le temps que ça décante, filtrer, Dieu sait comment, et recycler ensuite avec un peu de chance.

Une réflexion sur “Pollution

  1. Laisser décanter les textes, c’est sûr. Et extraire ensuite la quintessence… Les mots peuvent polluer, c’est vrai, mais pas autant que celle qui entre par tes fenêtres. Chaque fois que je passe à Péage, rive droite, sous la ligne d’usines interminable, je pense à toi et à ceux qui habitent le coin.

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