Rentrer dans le dur

En même temps que j’essaie de trouver une cohérence à tous ces textes j’essaie d’en trouver une autre; une cohérence m’établissant en tant qu’individu, ou personne, en éprouvant aussi cette sensation, qui à force sera devenue suspecte, qu’il est temps de renoncer au rapprochement permanent que j’effectue avec Ulysse qui ne veut pas dire son nom au Cyclope, autrement dit : renoncer à la ruse, à l’artifice. D’accepter ma destinée, bonne ou mauvaise qu’elle importance. Je ne sais si c’est sage, j’aimerais que ce le soit, ou complètement fou, et alors ce serait un tribu à payer parmi tant d’autres que d’être frappé par cette folie, qui ne signifierait alors qu’une forme d’abdication vis à vis d’une croyance, d’une illusion ou d’une vérité prétendument insupportable. Ne pas être en mesure de supporter sa propre vérité voilà bien la meilleure raison de devenir cinglé. Et je crois que je préférais devenir le dernier des gueux plutôt que de faire preuve d’un tel abandon, d’une telle lâcheté, d’avoir l’air d’être ce que je ne suis pas, même et sans doute parce que j’ai déjà pratiqué cette lâcheté durant une grande partie de ma vie, par mimétisme, parce que dans le fond je désirais comprendre comment on peut s’avilir soi-même à ce point , parvenir à se perdre totalement. l’expression rentrer dans le dur correspond parfaitement à ce désir. et je n’arrive pas à m’ôter de l’esprit cette statue de Giacometti l’homme qui marche c’est comme si je me trouvais près de lui et que je le regardais faire, retirer un à un sans pitié mais avec un vrai coeur, les morceaux de glaise, d’argile qui seront devenus superflus pour accéder à la représentation de cette dureté paradoxalement si émouvante. N’ai-je pas justement eu peur de cette image de dureté que je possède en moi pour ne cesser de l’enrober de mensonges, d’artifices, imaginant sans doute naïvement qu’elle pouvait effrayer les autres tout autant que moi-même ? Accepter cette dureté dans mes textes les réduirait sans aucun doute et ce serait une piste intéressante à suivre à seule fin de valider cette intuition. Maintenant que ce soit littéraire ou artistique je m’en fous complètement. Je crois qu’une grande partie de ce que l’on nomme art désormais n’est plus qu’un malentendu. L’idée même du concept m’agace aussitôt qu’elle surgit comme un jeu intellectuel directement issu à la fois de l’ ennui comme de l’ignorance, l’art n’est pas dans la tête mais dans la main, dans la manière, dans la forme et cette forme pour être la plus juste ou authentique c’est à dire vivante éternellement, doit provenir de l’émotion, du cœur. Évidemment cela paraît puéril dit ainsi, mais c’est aussi une chose entendue pour moi désormais que la naïveté doit effectuer deux tours et que tous ceux qui ne reste qu’au premier ne peuvent rien saisir du second. Il faut être rentré dans le dur plusieurs fois dans une vie pour accéder à ce second tour de manège.

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