
Manchette et son affaire N’Gustro me conduisent à aller rechercher les livres de Simenon, toujours au grenier, mais eux je les avais rassemblés dans un carton avec une étiquette, plus simple à trouver. j’attrape le premier qui se présente au rendez-vous des terres neuvas et j’en lis quelques pages. La différence avec Manchette c’est qu’il y a moins d’ambiguïté concernant le narrateur, je ne peux pas dire que c’est mieux ou que Manchette serait moins bien, c’est complètement différent. Et puis peut-être qu’il n’y a pas de comparaison sauf un désir chez moi de rapprocher je ne sais pourquoi deux types de narration. Il y a une désinvolture apparente chez Manchette quant à l’ordre des mots des phrases, très courtes, un rythme plus accéléré, mais bizarrement l’intrigue n’y gagne pas en rapidité. Les personnages de Manchette paraissent plus essoufflés que ceux de Simenon, et leur épaisseur tient surtout dans leur façon de s’exprimer, ils vont droit au but cependant, le pognon ou le cul notamment. Buts agités comme un chiffon rouge pour que le taureau fonce dessus, pour coller au codes du polar alors qu’en fait l’auteur désire parler de tout autre chose. Et parfois je me demande s’il le sait lui-même. Le langage parlé avec lequel les personnages de Manchette se dépeignent de façon inconsciente semble rendre le lecteur intelligent, mais je me demande si ce n’est pas un leurre de plus. Bref, je comprends la blague nouveau polar et son utilisation journalistique. Simenon est plus classique pour autant que je puisse dire car je ne lis pratiquement jamais de polar, j’en ai lu quelques-uns autrefois surtout ado mais je n’ai jamais vraiment accroché au genre, contrairement à mon père qui lui n’a jamais lu que cela. En fait je crois que lire des polars n’était pas utile pour se cultiver, et j’étais si tendu vers ce but, cette idée surtout que je me faisais de la culture, comme n’importe quel rejeton petit-bourgeois, que je ne leur accordais qu’un intérêt de divertissement tout au plus. Je n’avais que peu de discernement. C’est une erreur évidemment. Et cette erreur ne relève directement que de l’erreur fabriquée de toutes pièces envers cette idée de culture par quoi j’étais obnubilé. Je crois aussi que le polar était la chasse gardée de mon paternel, qu’en lire m’aurait donné l’impression de pactiser alors que je préférais rester à couteau tiré avec lui, c’était plus clair, je détestais la nuance et l’ambiguïté. C’est aussi pour cela que j’ai vite plongé dans les auteurs américains n’écrivant pas de polar ; Encore que par exemple Truman Capote a bien écrit De sang froid mais ce n’était qu’une expérience comme pour fait divers de Calaferte ; j’avais inspecté la bibliothèque familiale plusieurs fois pour être bien certain qu’il n’en avait lu aucun. D’ailleurs pas de Manchette ni de Deaninckx non plus. Tout ce qui était taxé de gauchiste par le vieux était persona non desiderata sur les étagères en faux acajou. Donc j’avais acheté ces auteurs notamment avec mes propres sous, ils appartenaient à ma bibliothèque. Mais j’avoue que c’était plus pour faire chier mon père que pour me pencher vraiment sur leur contenu. Étais-je gauchiste tant que ça, je ne crois pas, sinon par pure opposition encore, ou pour accompagner quelques filles sur lesquelles j’avais des vues dans des réunions de la LCR. En fait je devais déjà être plus anarchiste que quoique ce soit d’autre, les réunions de tout bord m’ont toujours emmerdées. Non que je ne sois pas sensible à l’injustice, mais je n’ai jamais été optimiste sur les solutions proposées pour l’éradiquer. La politique n’est en gros qu’une façon de vouloir se distinguer ou exister les uns par rapport à d’autres, s’inventer des combats des luttes des faits d’arme, une histoire en gros. Même s’ il y a sur un groupe l’étiquette anarchiste je fuis. La volonté d’exploitation de l’autre, d’en tirer profit et intérêt est si présente dans tous les agissements que j’ai toujours perçus, y compris les miens, que la vacherie est une donnée humaine naturelle, et on ne peut strictement rien contre la nature; à part tenter du mieux possible de s’en préserver. Mon idée en ce moment c’est d’écrire pour bouffer, ce que je ne sais pas où n’arrive à faire avec la peinture. Écrire des polars dans ce cas pourrait être une solution, probablement meilleure qu’écrire des articles dans des journaux, plus indépendante dans ce que j’imagine en tous cas. Mais pour cela il faut que je m’ en tape pour comprendre la recette de base; que j’intègre les codes au moins. Et puis j’y vois un autre avantage, c’est de se concentrer sur l’action, faire progresser une histoire grâce aux comportements des personnages. Sortir du bla-bla, des jeux intellectuels, de la littérature quoi. Je n’ai qu’à me souvenir des petits matins où j’allais bosser dans des jobs à la con pour me donner le minimum d’allant. Donc tant pis pour Alonso Quichano, peut-être qu’il surgit au mauvais moment et que , sitôt que je lève enfin les yeux sur lui, je n’éprouve plus qu’une envie c’est de le buter. Pour une fois ce ne serait pas un geste désespéré. mais un choix mûrement réfléchi. Simenon à utilisé le polar pour commencer à écrire parce que ce dernier lui offrait des rampes auxquelles se tenir, un crime, un assassin, un modus operandi. Il disait d’ailleurs que c’était pour lui des romans faciles à écrire justement parce qu’il y avait ces rampes. De temps à autre il essayait d’aller plus loin, une page ou deux, de forer un peu plus profond dans ses personnages, comme un dentiste dans une dent -jusqu’à ce que ça fasse mal. En fait le polar, les Maigret , lui ont servi de labo d’écriture dans un premier temps, mais ce qu’il voulait vraiment c’était cela aller jusqu’à cette zone où ça fait mal. Manchette lui y va plus rapidement je crois. Il y va même directement, parce qu’il sait ce qu’il veut, sans doute dès qu’il se met à écrire ; il veut fabriquer des produits qui se vendent, écrire pour bouffer, il ne louvoie pas quant à cela . Simenon j’ai l’impression qu’il reste un bon moment le cul entre deux chaises sans doute par fierté, une position plus aristocratique. Autre chose encore. le polar permet la mise en scène , via des personnages d’une violence brute que ne permet pas la littérature dont la manière les longueurs, un art essentiellement axé sur la forme du langage, la rend démunie face à cette brutalité. Une brutalité classique, peut-être même de surface. Même Céline quand il évoque les tranchées, la boucherie de 14-18 a du style et ce style est encore un écran d’après mon ressenti à sa lecture. On finit par ne plus s’attacher qu’aux mots, à leur agencement, mais pas forcément à ce qu’ils désignent. La haine comme la violence ne sont guère plus que des plaisirs esthétiques Mais peut-être que je suis tout bonnement en train de chercher des raisons, des prétextes, des excuses pour essayer de tuer non seulement Alonso Quichano mais aussi une idée que je me suis fait de la littérature jusqu’à ce jour. Le bien écrire et son enfumage. Passons à autre chose. Finalement hier il y avait six personnes au stage sur l’autoportrait avec mains Les absents ne nous rejoindront qu’après les vacances d’hiver en mars, et je me suis dit que pour que tout le monde soit au même niveau à cette date il fallait seulement se concentrer sur le dessin. Pour apprendre ce qu’est la ressemblance dans l’exercice du portrait j’ai eu cette idée au moment où je franchissais la porte de la salle de cours, celle de leur faire faire des caricatures. Cela les aura obligé à se regarder vraiment pour décider quels traits caractéristiques grossir afin d’y parvenir. Il y a eut quelques grincements de dent, surtout chez les personnes qui n’aiment pas être photographiées, n’aiment pas leurs visages, je leur ai dit que ce n’était pas nécessaire de s’aimer ou de se détester pour faire l’exercice, il fallait seulement décider quels traits grossir pour tomber sur une illusion de ressemblance, et ma foi bonne pioche. on aurait pu entendre une mouche péter, il n’y eut plus de bruit au moins jusqu’à la pose café. Je n’ai pas pris de photographies; peut-être en ferais-je quand tout le groupe sera réunit en mars. Pour la représentation des mains tout le monde est tombé dans le panneau, elles furent trop petites. J’ai pourtant dit plusieurs fois exagérez la taille des mains Mais une sorte d’hypnose par rapport à la photographie aura été la plus forte, la photographie est tellement confondue avec la réalité que l’on voudrait la reproduire le plus fidèlement possible, du coup ça donne juste une photo reproduite,mais pas un dessin. Encore une fois on peut comprendre intellectuellement une donnée comme exagérer la taille des mains mais tant qu’on ne l’a pas mise en pratique-avec la main justement – ça ne percute pas.
« j’y vois un autre avantage, c’est de se concentrer sur l’action, faire progresser une histoire grâce aux comportements des personnages. » EXACTEMENT ! Et je m’y emploie
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