
Est-ce que je peux ralentir le temps, le langage ce flux de mots si j’ai la sensation d’en être le prisonnier plus ou moins conscient et consentant et qui accepte son statut de prisonnier, car c’est un statut, le seul possible. J’éprouve toujours cette sensation désagréable de bâcler tout ce que je fais. Comme si bâcler était une tentative pour dépasser la fulgurance. Pour essayer en vain toujours d’en tenir les rennes, la diriger un pauvre instant. En vain et peut-être qu’il faut que ce soit vain justement. Pour pouvoir me dire sans relâche recommence. La vanité est ce moteur du recommencement. Sans elle je plongerais dans l’achèvement. C’est pourquoi j’ai toujours ce vecteur paradoxal, bâcler pour achever plus vite que l’achèvement véritable. tenter de battre tout achèvement de vitesse. Autrefois c’était la même sensation avec l’alcool, avec le sexe, c’est encore le cas avec le tabac. Une urgence pour vaincre une urgence. Une course effrénée comme un souvenir de la toute première cavalcade dans l’utérus pour atteindre absolument l’ovaire, pour crever en tant que simple spermatozoide effaré d’être déjà si seul dans la course à la vie à la mort. Et cet autre souvenir lié au moment enfin où l’ovaire m’ accueille salut champion tu as gagné le droit de disparaître pour que la chimie organique utilise tes cellules tes molécules pour fabriquer autre chose, ce fœtus. La suite ne serait alors qu’une répétition, on aurait simplement plus de temps en apparence pour se rendre compte. Il serait même demandé de suivre des protocoles, des règles, de mesurer son pas pour parvenir au trou, à un autre ovaire encore, devenir encore un matériau utilisé par l’univers pour créer de nouveaux monstres et ainsi de suite ad vitam aeternam , amen. Bâcler ce serait tenter de dire un peu quelque chose, s’opposer, ou dire bon aller ça suffit qu’on en finisse c’est vraiment trop chiant ce film dont on connaît déjà la fin. Bâcler ce serait comme une caricature de ce que tout le monde s’oblige justement à ne pas faire pour ne pas crever.